MUSÉE À LA UNE
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FIG. 3 (CI-DESSOUS) :
Tūkāroto Matutaera Pōtatau Te Wherowhero Tāwhiao
(c. 1822-1894), Ngāti Mahuta iwi. Photo d’Henry King (1855-
1923). Sydney. 1884.
Tirage sur papier albuminé. 20,3 x 15 cm.
Michael Graham-Stewart Collection, Auckland.
En 1860 Tāwhiao est devenu le deuxième roi maori après le
court règne de deux ans de son père, le rangatira des Waikato,
Pōtatau Te Wherowhero. Le mouvement de la monarchie maorie,
kĦngitanga, était un mouvement politique d’indépendance qui
a vu le jour au XIXe siècle et visait à unifi er les iwi maories afi n
d’équilibrer la balance du pouvoir, d’égaler le gouvernement néozélandais
pākehā désormais dominant et de revendiquer un plus
grand contrôle sur la question de la vente des terres.
Tāwhiao a régné en tant que second roi pendant trentequatre
ans jusqu’à sa mort en 1894. Les premières années du
kĦngitanga ont mené à la guerre du Waikato en 1863. Tāwhiao
et ses partisans ont été vaincus et le gouvernement
a confi squé de grandes étendues de terres dans la
région du Waikato. Le mouvement a ensuite vécu
en exil sur les terres de l’iwi Ngāti Maniapoto, pour
retourner au Waikato au début des années 1880.
Le portrait photographique de Tāwhiao réalisé
par Henry King a été pris à son arrivée à Sydney lors
de son voyage en Grande-Bretagne en compagnie
d’une députation de partisans maoris pour présenter
à la reine Victoria une pétition sur les obligations
de la Couronne telles qu’elles sont énoncées dans
le Traité de Waitangi signé plus de quarante ans
plus tôt. Le gouverneur George Grey a donné à
Tāwhiao de nombreuses lettres d’introduction pour
aider le groupe dans ses voyages, mais l’a aussi
averti qu’il serait insensé de s’attendre à ce qu’une
suite politique positive soit donnée à ses requêtes
portant sur l’autodétermination des Maoris. Grey
a également demandé à tous les membres de la mission de
« prêter le serment du ruban bleu »1. En portant ce ruban,
chacun des hommes montrait qu’il avait prêté le serment du
mouvement de tempérance et donc juré de s’abstenir de boire
de l’alcool pendant toute la durée de la mission. Ce point a
été ouvertement contesté à Melbourne quand, lors d’un dîner
organisé par le greffi er Edmund Gerald Fitzgibbon à South
Yarra, du champagne Crème de Bouzy fut offert à Tāwhiao et
sa compagnie au lieu de leur boisson habituelle de choix, du
ginger ale.
En outre, lors de son passage à Melbourne, la délégation
maorie a visité l’Exposition intercoloniale, où Tāwhiao a fait
le tour de l’événement « en un temps de visite de l’exposition
record » tandis que seul un objet avait captivé sa fascination :
un tricycle2.
Les activités du groupe de Tāwhiao lors de son séjour
à Londres sont beaucoup mieux documentées. Alors qu’il
posait pour son portrait peint par Henry Charles Seppings
Wright, Tāwhiao donna activement des conseils à l’artiste
pour immortaliser son moko paruhi et recréa les motifs de
son moko sur papier3. Malheureusement, au lieu de la reine
Victoria, ce fut le comte de Derby qui reçut le roi Tāwhiao.
La requête de la délégation d’autodétermination des
Maoris relevait de la compétence du gouvernement néozélandais
et, à son retour en Nouvelle-Zélande, la mission
fut considérée comme un échec. Bien que sa mission fût
infructueuse, Tāwhiao est resté un leader de dignité et de
mana jusqu’à son décès en 1894.
les traits individuels d’une personne, mais constitue
également une marque sociale, l’appartenance à une
lignée ou hapu ainsi qu’une appartenance à la communauté
tribale plus large, iwi, de celle-ci.
Les moko trouvent leurs origines dans le mythe de
Mataora et Niwareka. Mataora était un rangatira
(chef) vivant dans le monde naturel, Ta Ao Taroa,
mais ayant épousé Niwareka, une femme appartenant
à Rarohenga, le monde des esprits. Sur un
coup de tête, Mataora maltraite un jour Niwareka
qui quitte alors le monde naturel et retourne auprès
de sa famille à Rarohenga pour retrouver son père,
Uetonga. Réalisant son amour pour Niwareka et
regrettant ses actes, Mataora s’apprête à voyager à
Rarohenga pour lui demander de revenir. Il revêt sa
plus belle cape de lin (kakahu) et peint son visage
de motifs traditionnels avant d’entamer son voyage
pour le monde des esprits. Lorsque Mataora trouve
Niwareka en compagnie de son père Uetonga et
de sa famille, les visages de ces derniers sont tous
recouverts de moko tandis que la peinture du sien
a coulé, l’exposant ainsi aux moqueries de l’assemblée.
Mataora demande à Uetonga de lui apprendre
le ta moko et d’apposer les marques moko sur son
visage. Niwareka et Mataora, désormais doté de
l’impressionnant visage marqué d’un moko kanohi,
retournent dans le monde naturel et emportent avec
eux la connaissance et le don du ta moko.
Ceux qui pratiquaient jadis le ta moko étaient
traditionnellement connus sous l’appellation de
tohunga-ta-moko. Le mot tohunga renvoie aux personnes,
apparentées à des prêtres, expertes dans un
domaine des connaissances maories spécifi que tel
que la médecine, la sculpture, l’horticulture, la pêche,
l’astronomie et la divination. Les tohunga étaient
très appréciés pour l’étendue de leurs connaissances
et ces spécialistes du ta moko devaient s’assurer que
ces marques d’intense appartenance culturelle et spirituelle
correspondent à chaque porteur. Un aspect
central du ta moko réside dans la connaissance précise
du porteur de sa propre identité, de son héritage
et du lien qui le relie aux précédentes générations familiales
ascendantes, le whakapapa. Il partage cette
connaissance avec le tohunga afi n que ce dernier
puisse se concentrer et dessiner les motifs appropriés
à son moko individuel. Le whakapapa représente
l’essence fondamentale du moko d’une personne qui
correspond à la confi rmation visuelle de l’interconnectivité
de l’identité du porteur à travers les âges.
Porter des moko est l’un des engagements les plus