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en train de sauter dans l’eau » tous prêts à être tués.
Cette perception est corroborée par une expression
utilisée à Aupik, dans la région ouest de Maprik11,
kau-tu désignant une technique de pêche collective,
pratiquée par tous les membres d’un même clan,
avec la construction d’un barrage sur une rivière
(Gobikambe, 1984 : 112-115). De même, chez les
voisins Manambu le terme ka’aw, proche de kau,
exprime une surabondance d’élan vital, d’esprit de
compétitivité. Ce mot est en relation avec le kaiyik
qui anime le corps et il est utilisé tant pour les
hommes que pour les ignames dans leur capacité à
croître (Harrison, 1982 : 157-158)12. Bateson écrit
également, sans en préciser les circonstances précises,
qu’après une chasse aux têtes : « On ramenait,
si possible, le corps de l’ennemi au village pour qu’il
soit tué rituellement par un homme qui portait un
masque représentant un aigle. Le meurtre devenait
symboliquement l’affaire non seulement d’un meurtrier
isolé mais de tout le village. » (Bateson, 1971 :
151). Cette information permet de comprendre que
le meurtre était un acte social engageant la communauté
tout entière identifi ée par un homme caché
sous un masque représentant l’oiseau de faîtage.
Bateson ajoute : « Les Iatmul disent que la prospérité,
l’abondance d’enfants, la santé, les danses et les
belles maisons cérémonielles résultent d’une chasse
aux têtes fructueuse. » Il est vraisemblable que ce
meurtre était perpétré devant le fronton avant, ou
ndamangeko, de la maison cérémonielle (fi g. 18),
soit près du monticule waak. Brigitta Hauser-Schaüblin
(1986 : 12) cite le cas d’un homme du village
de Kararau qui, dans son enfance, durant sa période
d’initiation avait tué une petite fi lle que les Nyaura
avaient offerte à son village. Il la tua tout en regardant
le sommet de la façade de la maison cérémonielle,
endroit par excellence lié à l’homicide. Une
histoire de Thomas Ngawi du village d’Angriman
(Coiffi er, 1994 : 1466) confi rme également le fait
que des ennemis étaient ramenés vivants pour avoir
la tête tranchée près du waak, sous le regard de la
face de la maison des hommes. Chez les Iatmul de
l’Est, c’était la langue, sculptée sous forme d’une
lance de guerre sortant de la bouche du masque
de pignon de la maison ngekau, qui représentait
la parole de cette dernière. Bateson ne dit pas si le
meurtre par un homme porteur d’un masque d’aigle
avait lieu lors de la mise en place d’une sculpture faîtière.
Nous n’avons jamais réussi à obtenir sur le terrain
des informations sur un tel rituel.
SCULPTURES FAÎTIÈRES DU SEPIK
FIG. 27 et 27 bis : Paire de
sculptures faîtières provenant de
la maison Nyanglambi du village
sawos de Nangosap, PNG.
H. : 101 cm.
Musée du quai Branly - Jacques Chirac,
Paris. inv. 72.1963.5.12 et 72.1963.13.