MUSÉE À LA UNE
même indépendamment de la capacité ou de l’incapacité
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de l’utilisateur et même de l’auteur en termes
verbaux. Parce que la forme et l’organisation de
la forme sont le langage de l’art fi guratif de tous
les temps. Cette considération devrait s’appliquer à
tous les auteurs du monde entier, mais les créations
des artistes d’Afrique noire, c’est-à-dire ceux qui
vivent au sud du Sahara, ont dû attendre la fi n de la
Seconde Guerre mondiale pour affi rmer leur valeur
artistique en accédant, sans préjugés ni conditionnements
ethnographiques, à l’univers des arts toutcourt,
à l’instar de toutes les autres manifestations
artistiques, contribuant ainsi à l’accroissement du
patrimoine culturel de l’humanité entière. » Près de
quatre-vingt-dix objets provenant de prestigieuses
collections privées et de grands musées européens,
d’une grande qualité formelle et esthétique, nous
conduiront à la connaissance des arts d’Afrique
centrale. Elio Revera a édité le premier essai abordant
cette section de l’exposition, en insérant pour
chaque oeuvre la description du contexte historique,
des rituels et des signifi cations symboliques,
un critère d’interprétation qui ne se limite pas à
l’illustration.
La deuxième histoire qui est racontée concerne
un sujet qui fait actuellement l’objet de nombreuses
recherches, portant notamment sur la reconnais-
sance des mains des maîtres. Les oeuvres des arts
africains, quelles que soient leur forme et leur
nature, ont longtemps été considérées comme anonymes,
et leur paternité n’était pas attribuée à une
identité artistique défi nie. En réalité, en partie grâce
aux études menées depuis le début du XXe siècle,
certains des africanistes les plus importants de
l’époque ont émis l’hypothèse non seulement de
l’existence de véritables personnalités artistiques,
mais aussi d’ateliers organisés. Le cas le plus frappant
reste celui du Maître de Buli – nom maintenu
plus tard par convention – qui a été le premier à
avoir été isolé et reconnu par Frans Olbrechts. Ce
ne sont donc plus des fi gures silencieuses, mais des
personnes défi nies, des auteurs conscients, qui ont
donné à leurs sculptures des éléments stylistiques
formels, précis et reconnaissables, répondant pleinement
aux besoins de la communauté elle-même.
Quelques exemples seront présentés dans l’exposition,
grâce à la scénographie attentive de Bernard
De Grunne.
La troisième section de l’exposition, Mande :
1 000 ans d’art malien, aborde principalement le
thème du temps. L’étude de l’art occidental a formé
et habitué des générations d’historiens de l’art à
attribuer et à situer chronologiquement – souvent
avec précision et rigueur – des oeuvres et des peintures
de toutes sortes. Les commandes, les caractéristiques
matérielles et formelles, les preuves documentaires,
les signatures des artistes eux-mêmes
ont aidé à accomplir cette tâche diffi cile, laissant
souvent une marge d’erreur minime. Or, comme
chacun sait, les mêmes critères ne peuvent être
appliqués à la datation des objets africains, dont
l’historicité a été longtemps ignorée. Le besoin de
clarifi er la datation s’est fait sentir au milieu du
XXe siècle, même si les techniques scientifi ques
d’analyse n’étaient alors pas encore comparables
aux nôtres. Aujourd’hui, la réalisation de fouilles
stratigraphiques accompagnées de recherches stylistiques
et historiques, ainsi que d’analyses au
radiocarbone et à la thermoluminescence, permettent
de reconstituer des chronologies absolues
et relatives extrêmement satisfaisantes. C’est précisément
dans cette section que le cas du Mali est
proposé avec la présentation d’un corpus d’oeuvres
du Moyen Âge africain en bois et en terre cuite,
réalisées par les Soninké et les Dogon.
La section Un art de Cour, celle de l’ancien
royaume de Bénin, attire l’attention sur l’une des
FIG. 5 (PAGE DE DROITE) :
Appuie-tête. Luba-Shankadi,
RDC.
Bois. H. : 15,5 cm.
Musée d’Anthropologie et d’Ethnologie
du Système muséal universitaire de
Florence.
Collecté par Ernesto Brissoni à
Kicondja, lac Kisale, 1901.
Photo : Saulo Bambi, Système muséal
de l’université de Florence.
FIG. 4 (CI-DESSUS) : Trois
fi gures de pouvoir minkisi.
Songye, RDC. XIXe siècle.
Bois, métal, clous de tapissier, perles,
fi bres, tissus de raphia. H. : 14, 14 et
16,5 cm. Collection ABG. © Hughes
Dubois.