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FIG. 10 (CI-DESSUS) :
Gourde ipu hue wai
pawehe. Hawaï. Fin XVIIIe -
début XIXe siècle.
Calebasse. H. : 33 cm.
Collection Mark Blackburn.
FIG. 11 (À DROITE) :
Étoffe d’écorce hiapo.
Niue. XIXe siècle.
Étoffe d’écorce, pigments.
178,5 × 231 cm.
Peabody Museum of Archaeology
and Ethnology, Harvard University,
don de William McM.
Woodworth, 1911.
ATEA
Hikule’o (qui peut prendre à la fois des formes
masculine et féminine) gardait l’entrée de Pulotu3,
le royaume sombre et aquatique des ancêtres. Dans
son rôle rituel de médiatrice, Hikule’o a rapproché
le domaine terrestre de l’activité humaine et
le domaine sacré et extraordinaire habité par les
dieux. Hikule’o était donc étroitement associée
aux Tu’i tonga, la première ligne de chefs suprêmes
dirigeants, dont chacun était censé la représenter
sur terre4. Taillé dans un bois sombre à grain fi n,
le volume du corps de la fi gure est traité d’une
manière magistrale afi n de délimiter les contours
extérieurs. Formel et tendu, le profi l de la fi gure
est défi ni par une verticalité extrême créée par la
posture droite de son dos qui se prolonge jusqu’à
la nuque. Cela se refl ète également dans le profi l
avant aplati de son visage (fi g. 2b). L’équilibre et la
retenue de la posture compacte de la fi gure, articulée
autour de la géométrie angulaire de sa poitrine,
de ses jambes et de ses fesses, contrebalancent sa
formidable vigueur.
Lorsque ces pièces en ivoire de baleine et autres
objets sacrés n’étaient pas utilisés, ils étaient enveloppés
dans des étoffes d’écorce (parfois teintées) et
gardés dans la pénombre des maisons des esprits,
telle celle présentée dans l’exposition (fi g. 4). La
plus ancienne maison des esprits portative connue
(bure kalou), collectée à Fidji en 1834, a probablement
été obtenue par un navire engagé dans le
commerce lucratif du bois de santal et de la bêchede
mer (concombre de mer)5. Sa construction complexe
comprend une ossature en bois complètement
enveloppée dans un cordon de fi bre de coco
de première qualité, ou magimagi, dont la préparation
elle-même était considérée comme un moyen
d’honorer les dieux ancestraux. Extrêmement bien
conservé vu son ancienneté, le dessin de ce temple
est unique en ce qu’il comporte deux fl èches. Chacune
d’elles est dotée d’une poignée en bois ornée
de bandes de petits disques de coquillages blancs
qui s’enroulent autour des supports et de l’ouverture
vers l’intérieur. Aux Fidji, les interactions
rituelles avec les dieux et les esprits ancestraux
(kalou) étaient assurées par des prêtres (bete) et
avaient lieu dans de grands temples de forme comparable
qui dominaient l’architecture du village.
L’utilité de ces petits temples résidait en bonne partie
dans le fait qu’ils étaient portables, permettant
aux chefs et aux dirigeants de consulter leurs dieux
et de reconstruire la hiérarchie politique de leur