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Les expositions alliant arts anciens d’Afrique, d’Océanie,
d’Asie et des Amériques et création contemporaine occidentale reviennent
régulièrement à la Une de l’actualité culturelle – que ce soit dans les musées ou les
galeries – depuis l’iconique Primitivism in the 20th Century Art de 1984 au Museum
of Modern Art de New York. L’une des dernières en date portait pour titre
Je suis l’autre et s’est tenue à Rome, du 28 septembre 2018 au 20 janvier dernier.
Avec quatre-vingts sculptures représentatives du grand art des maîtres des avantgardes
(« Giacometti, Picasso et les autres » comme il est dit dans le sous-titre) et
du talent des sculpteurs encore trop souvent anonymes d’Afrique et d’Océanie,
l’exposition offrait au visiteur le spectacle hautement esthétique du dialogue entre
les arts, auquel contribuait largement la beauté des Thermes de Dioclétien accueillant
l’événement. Comme dans la plupart des manifestations construites sur
ces associations, les pièces extra-européennes étaient présentées comme un point
de départ du renouveau du langage plastique de la modernité, véritable sujet de l’exposition que les visiteurs
sont venus découvrir en grand nombre.
Ce prisme « primitiviste », s’il n’a plus rien de très novateur à ce jour et ne permet pas à l’amateur
d’approfondir ses connaissances sur les objets, demeure encore effi cace pour la diffusion des arts
d’Afrique et d’Océanie auprès d’un vaste public. Il a le mérite aussi de revendiquer ces arts lointains
dans l’espace et dans le temps – ne l’oublions pas, la plupart des pièces que nous voyons dans les musées
et dans les galeries parlent de réalités révolues, ou bien s’exprimant différemment aujourd’hui – comme
une partie constitutive de la modernité occidentale. Mais ne devrions-nous pas dire de la modernité
tout court et y inclure à nouveau les sociétés du XXIe siècle des lieux d’origine ? C’est du moins ce que
suggèrent à nos yeux deux expositions au coeur de cette édition du magazine : Ex Africa, qui ouvrira ses
portes le 9 mars au Musée archéologique municipal de Bologne et Oceania, à l’affi che prochainement
au musée du quai Branly-Jacques Chirac après le succès remporté à la Royal Academy de Londres et
abordée ici du fait du prix décerné au catalogue accompagnant la manifestation, lors de la dixième
édition du Prix International du Livre d’Art Tribal décerné par ce magazine, en collaboration avec
Sotheby’s.
Fort éloignés dans leurs approches, ces deux événements se rejoignent dans la place accordée à la
création contemporaine – issue cette fois d’Afrique et d’Océanie –, présentée sous le jour de la continuité
par rapport aux oeuvres anciennes avec lesquelles elles dialoguent ; une continuité certes pas
formelle – les médiums et les esthétiques diffèrent souvent radicalement –, mais plutôt conceptuelle, à
travers l’affi rmation de valeurs et de principes fortement identitaires. Cette approche inclusive séduit,
en nous rappelant que l’histoire de l’art se déploie de par le monde dans un continuum qu’animent les
secousses fertiles d’artistes visionnaires.
Elena Martínez-Jacquet
Notre couverture illustre un
dieu-bâton. Rarotonga, îles Cook.
Fin XVIIIe - XIXe siècle.
Bois. H: 85 cm.
Collection Gordon Sze.
Éditorial