MOKO
79
on trouve des entonnoirs d’alimentation, korere,
minutieusement sculptés et utilisés pour abreuver et
alimenter de substances liquides une personne sur
laquelle on venait d’apposer un moko autour de la
bouche. Celle-ci devient particulièrement tapu lors
de l’apposition du moko ; l’entonnoir constitue par
conséquent un moyen de nourrir la personne sans
risque. L’entonnoir permettait également d’atténuer
l’infection de la zone pendant la guérison.
Un moko est réalisé par étapes, suivant peut-être la
progression d’une personne à travers ses actes. En étudiant
des images du XIXe siècle, on constate que ce sont
généralement les lignes allant du nez aux joues qui sont
tatouées en premier, puis, quelque part autour de la
vingtaine, les hommes reçoivent les lignes tiwhana audessus
de leurs sourcils les désignant ainsi en tant que
guerriers. Tous les hommes ne reçoivent pas un moko
kanohi recouvrant l’intégralité de leur visage au cours
de leur vie. C’était habituellement réservé aux fi gures
d’autorité. De nos jours, un moko peut être réalisé de
diverses façons, en une ou plusieurs séances en fonction
de l’endurance de l’artiste et de celle du modèle.
Les moko masculins et féminins cherchent à exploiter
les espaces négatifs de la peau non tatouée
entre les lignes sombres pour créer des motifs remarquablement
dynamiques. Chaque moko facial présente
une division verticale du visage le long d’une
ligne de composition centrale s’étirant du menton
au sommet du front. Autour de cette base viennent
s’imbriquer des motifs aux multiples signifi cations.
La plupart de ces motifs sont des arrangements de
courbes connues sous le terme de koru. La disposition
de ces motifs est organisée par le tohunga afi n
de créer des dispositions uniques propres à chaque
individu. Elle se remarque particulièrement dans les
dispositions asymétriques des deux côtés du visage
et plus précisément sur la joue devant les oreilles.
Dans cette zone, certains motifs identifi ent l’étendue
de l’autorité du porteur et son domaine d’expertise.
Les motifs féminins des moko kauae sur le menton
varient beaucoup également, cependant, nombre de
leurs formes semblent génériques, car celles-ci indiquaient
la perpétuation de liens héréditaires et tribaux,
le motif étant transmis de mère en fi lle.
Dans les années 1830, le port de moko a commencé
à se dissiper face à l’évolution de la société
et la forte présence de colons. La période de recrudescence
des « Guerres maories » des années 1860
fut courte et le besoin de moko faciaux masculins
s’éteignit avec la cessation de la guerre au cours de
FIG. 6 (CI-DESSUS) :
Tāmati Wāka Nene (c. 1785-1871), Ngā Puhi iwi.
Par John N. Crombie (1827-1878).
Aotearoa, 1856-1860.
Ambrotype encadré. 5,6 x 7 cm.
National Gallery of Australia, Canberra, inv. 2010.946.
Cet ambrotype de Tāmati Wāka Nene est l’une des plus
anciennes photographies de Maoris. Sur cette image, le moko
paruhi de Nene montre la profondeur des spirales kokoti sur les
joues et des marques sur l’arête de son nez, indiquant que son
moko a été créé à l’aide de poinçons, uhi. Le moko au centre du
front désigne sa position de rangatira de premier rang.
Nene a été impliqué en tant que chef guerrier dans les attaques
des Ngā Puhi dirigées par Hongi Hika à travers l’île du Nord pendant
les guerres des Mousquets menées contre d’autres tribus maories. Il
est devenu l’un des rangatira les plus infl uents de Nouvelle-Zélande
dans les années suivantes. Nene était un politicien habile qui a usé
de son infl uence dans la formation des Tribus unies de Nouvelle-
Zélande en 1835 qui ont rassemblé de nombreuses iwi de l’île du
Nord pour cesser les hostilités et travailler collectivement à faire
de la Nouvelle-Zélande un État indépendant. En 1839, Nene a été
baptisé « Thomas Walker » (Tāmati Wāka) et a joué un rôle actif
dans l’obtention des accords des rangatira en tant que signataires du
Traité de Waitangi en 1840.
Pendant la guerre du Nord de 1845-1846, Nene partageait
initialement les griefs d’Hone Heke au sujet de la gouvernance
des Pākehā à la suite du Traité de Waitangi, mais a pris le parti
du nouveau gouvernement, et ses guerriers Ngā Puhi ont
rejoint les troupes gouvernementales pour mettre en déroute les
forces d’Heke et de Kawiti. La cessation de la guerre du Nord
peut être attribuée au travail de Nene en tant qu’intermédiaire
entre les chefs de la résistance et le gouvernement. Après cette
période, le gouverneur George Grey consultait Nene pour obtenir
ses conseils au sujet des affaires maories, y compris quant à
l’arrestation et à la libération de Te Rauparaha, le rangatira et
chef de guerre Ngāti Toa du camp adverse.