nombreux exemplaires se trouvent conservés dans
les musées du monde entier et dans les collections
privées, mais il demeure vraisemblable que certains
ne sont que des curios. Les artistes du Sepik ont vite
compris que ces objets attiraient l’attention des Occidentaux
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; ils en ont donc fabriqué pour la vente et
ils en fabriquent encore de nos jours pour les touristes.
Des exemplaires ont été rapportés très tôt,
dès le début du XXe siècle (fi g. 2, 4 et 11), par les
expéditions allemandes (Reche, 1913 : Pl. XXXIV,
Kelm, 1966 : 367 à 371). Les anciennes sculptures
de faîtage de la maison Wolimbit se trouvent
actuellement conservées dans différents endroits
(fi g. 20, 23 et 24-24 bis). Lorsque l’on compare
les différentes sculptures connues conservées dans
les musées de Port-Moresby (Craig, 2010 : 63),
de Paris (Le Fur, 2007 : 228-229) et dans les collections
privées, on s’aperçoit que leur style a peu
changé depuis un siècle. Celle collectée par Markert
en 1961 pour le Rautenstrauch-Joest Museum
de Cologne fi t ensuite l’objet d’un échange en 1967
avec la Stolper Gallery d’Amsterdam. Cette sculpture
qui appartient maintenant à la galerie Schoffel
de Fabry semble être ancienne et pourrait avoir appartenu
à la maison Wolimbit photographiée par
Gregory Bateson en 1932. Celle-ci présente deux
particularités ; d’une part, la gravure d’un poisson
silure kami (Arius sp.) qui semble mordre la
queue de l’oiseau, d’autre part, le bec crochu avec
des dents évoquant la double nature de l’oiseaucrocodile.
Ce motif évoque le mythe collecté par
Wassmann (1991 : 192-195) avec les poissons pêchés
par les deux femmes. La représentation d’un
poisson associé à ce type de sculpture se retrouve
sur de petits curios récents (fi g. 26), ce qui montre
que les jeunes artistes de XXIe siècle interprètent le
mythe à leur manière tout en respectant un code
esthétique ancien.
Les paires de sculptures d’une même maison
étaient souvent assez similaires, mais il est assez
rare qu’elles aient été collectées ensemble, comme
celles de la maison Nyanglambi du village de Nangosap,
nommées respectivement Yesengandimi et
Torungundimi (fi g. 27 et 27 bis). Ces dernières
furent collectées par Hermann Lissauer dans les
années 1960 et acquises par Jean Guiart en 1966.
Elles sont conservées actuellement au musée du
quai Branly - Jacques Chirac (Peltier, 2016 : 164-
165). En ce qui concerne les sculptures d’une des
maisons cérémonielles du village de Malingei, l’une
a été acquise par le père J. Heinemans, avant de
passer entre les mains de divers collectionneurs et
marchands. Elle se trouve actuellement dans la collection
de la galerie Alain Bovis (fi g. 28). L’autre a
été collectée en 1961 par l’expédition Frobenius,
conduite par l’ethnologue Meinhard Schuster (Haberland
et Schuster, 1964 : 61, Schuster, 1961) et se
trouve conservée (inv.45 819) au musée de Francfort
sur-le-Main (fi g. 29).
CONCLUSION
Les habitants christianisés des villages du Sepik
continuent de construire de nos jours des maisons
cérémonielles et ils ne manquent pas de placer sur
leurs pignons des sculptures d’oiseau car cellesci
sont devenues des emblèmes reconnus de leurs
communautés. L’artiste papou Ruki Fame en a réalisé
un en métal pour la toiture d’un bâtiment du
Museum and Art Gallery à Port-Moresby (fi g. 30).
De nos jours, ce type de sculpture est visible sur le
pignon des églises (fi g. 31 et 32) et sur des maisons
communes destinées aux touristes. Il peut paraître
étonnant de retrouver cette fi gure faîtière sur des
édifi ces religieux catholiques où celle-ci, transformée
en un ange aux mains jointes surmonté de la
colombe de la paix, vient se substituer à l’emblème
des anciens guerriers coupeurs de têtes… Il semblerait
que les prêtres qui ont commandité ces oeuvres
ont volontairement souhaité transformer aux yeux
de leurs fi dèles l’ancienne et populaire représentation
d’un pouvoir guerrier en un symbole de paix.
Remerciements
Nous tenons à remercier nos collègues
allemands, Dr Eva Raabe du Museum
der Weltkulturen de Francfortsur
le-Main et Dr Oliver Lueb du
Rautenstrauch-Joest Museum de
Cologne, ainsi que Christophe
de Fabry et Alain Bovis, pour les
diverses informations qu’ils nous ont
aimablement transmises.
FIG. 30 (À GAUCHE) :
Sculpture métallique de
l’artiste papou Ruki Fame.
© C. Coiffi er, 1979.
DOSSIER
FIG. 31 (CI-DESSUS) :
Sculpture faîtière du portique
de l’église catholique du
village de Kaningara, PNG.
© C. Coiffi er, 1988.
FIG. 32 (CI-DESSOUS) : Vue
frontale de l’église catholique
du village de Kaningara,
PNG.
© C. Coiffi er, 1988.