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FIG. 27 (CI-DESSUS) :
Portrait de Red Cloud avec
coiffe à cornes, crécelle et
tambour à main avec attaches
(mannequin de Pollock), par
John F. Jarvis, Washington,
D.C. Vers 1872.
Carte stéréogramme. 7,62 x 17,78 cm.
National Anthropological Archives,
Smithsonian Institution, photo lot 140,
inv. 02636300.
Ce mannequin-portrait de Red Cloud
fut créé par la Smithsonian probablement
peu de temps après la célèbre
visite de 1872 à Washington de la délégation
Sioux, dont il faisait partie. Le
visage a été modelé d’après le portrait
photographique réalisé par Alexander
Gardner à cette occasion (fi g. 30).
deux photos est intéressante en soi. Bien que la pièce
photographiée soit manifestement la même, les deux
images présentent de nombreux détails différents, ce
qui indique qu’elles ont été réalisées à deux périodes
différentes et après un réagencement notable de la
pièce. Sur la photo la plus ancienne, le katana est
dans son fourreau, accroché au mur. Bleed (1987 :
112-113) écrit ceci :
« La photo a été collectée par le commandant William
J. Turner, offi cier dans la 2e division d’infanterie
américaine qui avait été envoyée à Pine Ridge en
décembre 1890 pour mettre fi n aux troubles causés
par la Danse des Esprits. … Le verso de la photo originale
est annoté au crayon : Réserve de Pine Ridge, le
Chef Red Cloud m’a remis cette photo le 7 décembre
1890. La femme de Red Cloud (aveugle), intérieur de
sa maison. »
Il apparaît dès lors que la photo du katana de
Red Cloud a été prise avant le terrible massacre de
Wounded Knee et avant le réagencement de la pièce.
Sur la deuxième photo de la chambre de Red Cloud
(fi g. 32) prise par Morledge aux alentours de janvier
1891, le katana n’apparaît plus. Nous ignorons si
son absence était temporaire ou permanente, ou si le
sabre japonais avait tout simplement été accroché à
un autre mur, hors champ.
Se focalisant sur la photo où fi gure le katana, Bleed
a pu fournir une description détaillée du sabre15. Il
a également répertorié les autres objets visibles sur
les murs, notamment un grand drapeau américain,
des icônes religieuses catholiques (Red Cloud s’était
converti au catholicisme), une couverture de style
ancien, une ceinture « concho » et d’autres objets
symboliques et du quotidien.
Une provenance possible pour le katana a été suggérée
par Thomas Myers (1987 : 39), qui a publié
la même photo, indiquant que Bleed avait identifi é
le sabre. Myers a souligné la « prépondérance des
objets d’origine non indienne » présents dans la maison.
Il a également remarqué que Red Cloud et les
Oglalas s’étaient installés dans leur nouvelle réserve
du Dakota du Sud deux ans après qu’un haut gradé
de l’armée impériale japonaise, le colonel Nozu
Michitzura16, accompagné de deux autres fonctionnaires
japonais, avait effectué une visite sans précédent
dans la réserve des Sioux non loin de Camp
Robinson fi n 1876. Étant donné que la photo avec
le katana a été prise avant la fi n de l’année 1890,
si le sabre est un cadeau du colonel Nozu ou s’il a
été offert par un membre de la mission Iwakura, il
est alors possible que le sabre japonais, en sa qualité
d’objet de prestige, ait orné un mur pendant une
décennie ou plus avant d’en être retiré, pour une raison
inconnue.
Le manque d’intérêt des biographes de Red Cloud
pour cet insaisissable katana peut s’expliquer en
partie par l’absence manifeste de compte rendu
contemporain et détaillé de la rencontre entre le
colonel Nozu et Red Cloud. On ne sait donc pas si
cette rencontre a bel et bien eu lieu, ni si des cadeaux
ont été échangés entre les deux hommes17. Bleed
(1987 : 115) avait déjà relevé la présence de Nozu,
ajoutant que conformément à l’usage au Japon, un
cadeau devait être offert en pareille rencontre : « Une
arme traditionnelle de grande qualité aurait assurément
convenu pour un chef aussi important que Red
Cloud. » Cependant, nous savons que les coutumes
des Lakota voulaient également que des présents
soient échangés entre des chefs. Dès lors, nous ne
pouvons qu’imaginer ce que Red Cloud aurait pu
offrir à son homologue japonais : une pipe en argilite
dans un étui en peau de daim incrusté de perles
aurait constitué un cadeau typique, tout comme une
coiffe de guerre en plumes d’aigle ou tout autre objet
de valeur équivalente. Nozu n’a pas mentionné d’objets
de ce genre tandis qu’aucun objet amérindien
n’a encore été localisé au Japon, que ce soit dans les
musées ou parmi les biens appartenant aux descendants
du colonel, selon les enquêtes menées auprès
de la famille de Nozu par le professeur Abe Juri18.
En outre, si le colonel Nozu et le chef Red Cloud
s’étaient effectivement rencontrés, la tradition aurait
exigé que d’autres grands chefs sioux assistent à une
réunion offi cielle comme celle-là, d’autant qu’elle
impliquait la présence d’un visiteur étranger. Ainsi,
DOSSIER