MUSÉE À LA UNE
archéologue, et Aldobrandino Mochi, directeur
du musée d’Anthropologie et d’Ethnologie de Florence.
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Bien qu’Anti n’ait pas eu de moyens particuliers
pour proposer une analyse formelle et interprétative
des objets exposés, il avait développé une
idée claire de l’exposition, formulée de manière
incisive à Mochi dans les termes suivants : « Nous
devons organiser une exposition d’art qui laisse
transparaître le moins possible l’ethnographie4 ».
Pour la première fois, bien qu’enfermés dans
« trois vitrines de dix pièces chacune5 », trentetrois
objets étaient exposés en Italie, dont vingt-six
provenaient du Musée ethnographique de Rome et
sept du musée d’Anthropologie et d’Ethnologie de
Florence. Ils étaient présentés comme de véritables
« objets d’art », et non comme l’énième représentation
de quelque chose de rétrograde et primitif.
Cette exposition, très audacieuse à tous égards,
eut lieu avant l’exposition parisienne de la Galerie
Pigalle (1930) et même avant la grandiose exposition
African Negro Art consacrée en 1935 au
Museum of Modern Art. Toutefois, elle n’obtiendra
malheureusement pas la reconnaissance, ni ne
rencontrera le même succès que celles-ci. La presse
italienne, à quelques exceptions près, sabotera ou
passera sous silence l’exposition, qui reste un petit
épisode novateur, souvent oublié, dans une Italie
qui allait connaître à peine cinq mois plus tard la
marche sur Rome et l’avènement défi nitif du fascisme.
Ce qui est proposé pour la première fois dans
cette section, c’est la reconstitution par Ezio Bassani
de cette salle consacrée aux arts africains, fruit d’années
d’études et de recherches dans des archives.
XXe siècle : l’Europe se penche sur l’Afrique, la
septième section conçue par Micol Forti, renvoie
à un autre thème crucial : le dialogue qui s’établit
au début du XXe siècle entre l’art nègre et les
artistes des avant-gardes historiques. Les volumes
épurés des masques africains arrivés en Europe
sont repris et retravaillés par les cubistes et les
fauves de Paris, par les expressionnistes de Berlin
et de Dresde, ou même par les Italiens Modigliani
et Carrà, pour n’en citer que quelques-uns.
Le classicisme dominant du siècle précédent était
fi nalement supplanté, laissant place à de nouvelles
formes. L’exposition présentera un parcours pour
rappeler ce lien synergique.
Lorsque l’on évoque l’art du Dahomey, il est
souvent fait référence à l’art de cour le plus connu,
décrit et raconté dans les journaux de voyage par
les explorateurs et les aventuriers. Dans Sculpture
vaudou Fon du pays d’origine : un art profondément
apotropaïque, Pierre Amrouche présente une
autre facette du même art du Dahomey, son côté
populaire, reconsidéré à partir des années 1960
grâce à la collection de J. Kerchache. Des objets
vaudou – terme utilisé pour désigner un type d’art
populaire exclusivement magique et religieux –
seront exposés pour la première fois en Italie,
rapprochant le spectateur d’une esthétique totalement
différente de celle
à laquelle il est habitué,
d’un art sacré, matériel et
cumulatif, qui a survécu
à l’infl uence de la culture
occidentale et reste fermement
ancré dans les problématiques
et les peurs de
l’homme contemporain.
L’histoire qui conclut le
parcours de l’exposition
est racontée par Micol
Forti dans Art africain
contemporain et concerne
FIG. 7 (CI-DESSUS) :
Oliphant de chasse,
Manufacture Afrique
occidentale, Sierra Leone
Vers 1495-1521.
Défense d’éléphant. H. : 63 cm.
Sur autorisation du ministère pour
les Biens et les Activités culturelles
– Turin, Musées royaux – Armurerie
royale. Provenance : musée de
l’Antiquité de l’université de Turin,
anciennement dans les collections du
Palais ducal. © Ernani Orcorte.
FIG. 8 (CI-DESSOUS) :
Moffat Takadiwa, Cross
Boarder Hustlers, 2015.
Restes de boîtes de conserve
récupérées, bouchons en plastique,
chariot et ampoules. Dimensions
variables. Max. : 300 x 200 cm +
chariot : 90 x 80 x 50 cm.
Collection privée, Bologne, Italie.