différences par rapport aux épées et aux sabres en
possession des Amérindiens, ces katanas s’inscrivent
et s’intègrent dans une longue tradition indigène
d’acquisition, d’utilisation et d’exposition d’épées.
Red Cloud avait manifestement beaucoup d’estime
pour son katana, puisqu’il l’avait accroché à un mur
de sa cabane aux côtés du drapeau américain et de
l’iconographie liée à sa foi en l’Église catholique romaine,
dans laquelle il avait été baptisé en 1884, en
compagnie de sa famille et d’autres chefs5.
À l’autre bout du monde cependant, le katana
occupait une place quelque peu parallèle au sein de
la vie culturelle japonaise, puisqu’à cette époque le
Japon s’ouvrait lentement à l’Occident et à l’Amérique.
C’est donc à cette histoire que nous nous intéressons
maintenant afin de découvrir comment la
111
FIG. 11 (EN HAUT) : Détail
de la peau de bison de la
fig. 10.
Sur cette scène de bataille intense,
on distingue deux guerriers avec des
épées, l’un à cheval et l’autre à pied.
FIG. 12 (AU MILIEU) :
Deux guerriers cheyennes
à cheval avec boucliers,
lances et épées à plumes
poursuivant un guerrier ute
à cheval pointant un arc et
une flèche, par Tichkematse
(Squint Eyes, Cheyenne).
Fort Marion, St. Augustine,
Floride, 8 novembre 1879.
Encre et aquarelle sur papier. 21 x
29 cm.
National Anthropological Archives,
Smithsonian Institution, manuscrit
290844.
FIG. 10 (À GAUCHE) : Peau
de bison peinte. Hidatsa,
Arikara ou Mandan, Plaines et
Prairies / Missouri supérieur.
Avant 1872.
Peau de bison, pigments. 310 x 299 cm.
Collectée par le brigadier général
William B. Hazen à Fort Buford,
territoire du Dakota, 1872. Don
de Mme Mildred M. Hazen à la
Smithsonian, le 25 mai 1892.
National Museum of Natural History,
Smithsonian Institution, inv. E154068-0.
Cette peinture colorée sur peau
illustre des scènes de bataille entre
guerriers ennemis. Le thème des
guerres intertribales est typique de ce
que George Horse Capture (1993 : 83,
86) qualifiait de « peaux d’exploits
», qu’il considérait comme « le plus
important type de peinture sur peau,
car il s’agit d’une histoire visuelle ».
Elle dépeint des guerriers dans une
variété de tenues, de coiffures et de
décorations corporelles et employant
des armes variées, notamment des
fusils et des épées. Les traces des
chevaux et les trajectoires des balles
sont visibles, tout comme de petits
pictographes d’animaux (ours / loup),
indiquant probablement des noms
d’individus. La peau appartient à la
vaste catégorie de « l’art biographique
des Plaines », où l’action principale se
déroule typiquement de droite à gauche,
un procédé également observé sur les
tuniques de guerre / scalp et, plus tard,
intégré dans l’art narratif (ledger).
Attribuée à l’origine aux Sioux,
cette peau a changé d’affiliation tribale
à la suite des recherches de Candace
Greene (annotation non publiée dans le
dossier de collection de la Smithsonian)
en 2017. En fonction d’une analyse
approfondie de l’historique de collection
et compte tenu des particularités
stylistiques globales, la peau est à
présent attribuée aux Hidatsa, Arikara
ou Mandan, de la région des Prairies /
Plaines et Missouri supérieur.
ÉPÉES INDIENNES
d’élite a été attestée par de très nombreuses photos.
À partir de 1850 environ, la photographie a joué
un rôle majeur dans l’histoire des relations entre
Blancs et Amérindiens. Ces derniers ne se sentaient
pas menacés par la nature même de la photographie.
Généralement, ils se laissaient volontiers photographier,
d’autant qu’en acceptant de poser pour un
« chasseur d’ombres » de passage ou de se rendre en
ville dans le studio d’un photographe, ils recevaient
un cadeau ou de l’argent en guise de remerciement.
L’épée est souvent présente sur ces portraits individuels
ou de groupe.
Des portraits d’Amérindiens membres de la délégation,
posant avec des épées et des sabres, ont été réalisés
à Washington et imprimés par les photographes
sur leurs « plaques humides ». Certaines photos
analysées par Paula Fleming dans son Shindler Catalogue
(Fleming 2003) montrent des chefs tribaux
tenant des sabres de cavalerie lourde. Alexander
Gardner (1821-1882), éminent photographe de la
guerre de Sécession, a également réalisé des clichés
d’Amérindiens portant des épées et des sabres dans
son célèbre studio sur Pennsylvania Avenue. Tout
comme ceux du Shindler, les portraits de Gardner
se trouvent dans la vaste collection de la Smithsonian
conservée dans les National Anthropological
Archives (NAA). Les NAA abritent également des
stéréogrammes produits entre 1869 et 1871 par un
autre photographe renommé du Far West, William
H. Jackson (1843-1942). Les photos de Jackson se
trouvant aux NAA (parmi de nombreuses autres
cataloguées par l’artiste dans Jackson 1877) comprennent
d’autres exemples de portraits d’Amérindiens
posant avec des épées et des sabres (fig. 18-20).
Les NAA possèdent en outre un stéréogramme
réalisé par Stanley J. Morrow (1843-1921) à Fort
Berthold, dans le territoire du Dakota, avant mai
1876 (fig. 22). Cette photo montre quatre Arikara,
dont Bobtail Bull, deuxième en partant de la gauche,
vêtu d’un bonnet en fourrure en peau de loutre et
d’une veste militaire à épaulettes et tenant un sabre
de cavalerie avec deux plumes d’aigle accrochées à
la garde.
L’analyse succincte et les exemples illustratifs fournis
ici ont pour but de montrer que, peu importe le
moment et les circonstances exactes de l’arrivée dans
les Grandes Plaines des katanas figurant sur les deux
photos des années 1890, il s’agissait d’objets déjà
familiers aux Amérindiens. En effet, malgré leurs