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FIG. 9 (CI-DESSOUS) : Arme
en dents de requin. Hawaï.
XVIIIe siècle.
Bois, dents de requin et fi bres.
H. : 32 cm.
Collection Mark Blackburn.
FIG. 8 : Éventail pe’ahi niu.
Hawaï. Début XIXe siècle.
Cheveux humains, nervures et
feuilles de coco, fi bres teintées. L. :
58,4 cm.
Peabody Essex Museum, Salem, MA,
inv. E5354.
MUSÉE À LA UNE
et Nioué. La section 2, « En soutenant le ciel »,
explore le dynamisme des oeuvres rituelles de Mangareva,
Tahiti et des îles de la Société, Australes et
Cook. Une dernière section, « Chefs divins », met
l’accent sur les chefs hawaïens considérés comme
des incarnations divines de la vitalité associée à
l’abondance et à un environnement prospère qui
assure la croissance et la vie. En se concentrant sur
ces thèmes distincts comme points d’ancrage, l’exposition
explore la manière dont les Polynésiens
ont distillé ces principes fondamentaux de l’action
divine au cours de leur migration dans la région
durant plusieurs milliers d’années.
La notion de lumière divine et sacrée est capturée
et célébrée dans cette remarquable et étincelante
fi gure féminine tonga (’otua ffi ne). OEuvre emblématique
sculptée dans une seule dent de cachalot,
c’est l’un des grands chefs-d’oeuvre de la collection
Rockefeller au Met (fi g. 3). La brillance et le miroitement
étaient des conditions préalables à l’effi cacité
rituelle, en particulier parce qu’ils renvoyaient
à la puissance associée aux ancêtres et aux origines
divines. La patrie ancestrale, ou la demeure des
dieux, était un lieu puissant qui fi gurait dans de
nombreuses traditions insulaires comme un monde
souterrain obscur. Aux Tonga, ce royaume aquatique
était connu sous le nom de Pulotu. Associé
à la nuit et à des choses invisibles et inconnues,
Pulotu était accessible via des portails que l’on
trouvait dans des bassins profonds et à l’intérieur
de grottes cachées. En tant que lieu de résidence
des esprits ancestraux, il était également considéré
comme un point d’origine important et une source
de matières naturelles spirituellement « chaudes »
ou chargées (tapu). Les insulaires ont privilégié certaines
espèces de plantes, d’oiseaux et d’éléments
de la vie marine – ceux qui sont censés provenir
du royaume des ancêtres – réputés capables de
créer les connections dynamiques nécessaires pour
communiquer avec les dieux. Et c’est ici que l’extraordinaire
matérialité de l’art polynésien entre si
puissamment en jeu. L’incorporation de cordons
de fi bre de coco, d’ivoire de baleine ou de bois de
l’arbre sacré vesi dans des oeuvres tissées complexes
et des sculptures fi guratives activait la relation des
Polynésiens avec les ancêtres, car ces matériaux
renfermaient quelque chose de l’essence et de la
vitalité brute du domaine ancestral. Les baleines en
particulier étaient considérées comme des ombres
ou des incarnations (ata) du premier dieu créateur,
Tangaloa, qui présidait le royaume sacré de l’océan.
Formé et poli en plastrons spectaculaires ou sculpté
en fi gurines féminines insérées dans des sanctuaires
portables, l’ivoire de baleine n’était pas seulement
le produit le plus rare, c’était une relique sacrée –
l’essence divine de Tangaloa condensée et fondue en
os qui servait de chemin idéal pour les dieux.
La sculpture dynamique d’Hawaï (’otua fe ne),
prêtée par le Field Museum de Chicago, est l’une
des six fi gures féminines en bois de ce type que
l’on connaisse (fi g. 2a)2. Longtemps associée à la
divinité Hikule’o, la sculpture a peut-être été un
véhicule par lequel cette formidable divinité s’est
manifestée dans le domaine physique. On a dit que