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FIG. 30 (CI-DESSUS) :
Ma-Kpe-Ah-Lou-Tah (Red
Cloud), grand chef des
Dakota, par Alexander
Gardner. Washington, D.C.
1872.
Photographié par les administrateurs
du Blackmore Museum, Salisbury,
Angleterre.
Épreuve à la gélatine argentique en
papier mat imprimé, issue du recueil
de présentation Photographs of Red
Cloud and his Braves, Gibson Brothers,
Printers.
Beinecke Rare Book & Manuscript
Library, Yale University, référence WA
Photos 394.
L’une des photos de Red Cloud
prises par Gardner lors du passage
de la délégation des Sioux en 1872 à
Washington, D.C.
souhaitaient échanger ou acheter des objets
en tout genre. Meyer, dont les connaissances
rudimentaires de la langue lakota lui
avaient permis d’être également interprète,
s’était fi èrement autoproclamé « négociant
et marchand indien de curiosités indiennes,
chinoises et japonaises », en plus de spécimens
de minéraux, de fossiles et d’une vaste
sélection de photos « d’Indiens et de paysages
de l’Ouest » (Wilson 2004 : 92-95).
Red Cloud était l’invité de Meyer à Omaha,
où les deux hommes s’asseyaient pour
prendre des photos, dont les deux fi gurant
dans le recueil de Goodyear (2003 : 26-29).
Il est possible que Meyer ait pu donner le
katana à Red Cloud en gage de son amitié ou en
guise de rémunération pour les séances photo. Toutefois,
il s’agit peut-être du scénario le moins plausible,
car si les marchandises japonaises ont bel et
bien gagné en importance sur le marché américain
durant la seconde moitié du XIXe siècle, les sabres,
qui demeuraient très prisés au Japon, ne sont arrivés
que plus tard et il serait dès lors surprenant que l’un
d’entre eux se soit retrouvé dans un lieu aussi reculé.
Très peu de katanas sont répertoriés dans les collections
de cette époque.
À ce jour, la façon dont Red Cloud a acquis son
sabre japonais reste un mystère. Les archives de
Nozu et Meyer sont muettes quant à un présumé
katana offert au chef Oglala, tout comme celles des
offi ciers américains chargés d’escorter Nozu jusqu’à
la réserve de Red Cloud. De même, on ignore ce
qu’il est advenu du katana à la mort de Red Cloud,
tandis que les descendants du célèbre chef Oglala ne
conservent que de vagues souvenirs de l’existence
du sabre japonais. Celui-ci a pu être enterré avec
Red Cloud dans le cimetière catholique de
la Holy Rosary Mission à Pine Ridge en
décembre 1909. Il aurait également pu être
vendu par le fi ls de Red Cloud, Jack, qui
peu après la mort de son père, a vendu pour
cinquante dollars une grande médaille de la
paix en argent que Red Cloud avait reçue
du président Grant en 1871 (Markantes
2004 : 14-20)20.
Enfi n, nous aimerions suggérer l’idée, ou
plutôt l’hypothèse, selon laquelle le katana
de Red Cloud pourrait nous éclairer sur un
prétendu sabre fi gurant sur une peinture
inconnue de Catlin. Le sabre japonais soidisant
peint par Catlin et le katana de Red
Cloud pourraient en réalité être la même arme. D. S.
Hartley et T. B. Buttweiler (1976) se sont intéressés
à la rumeur persistante évoquant l’existence d’une
peinture de Catlin montrant « un tachi de guerrier
japonais accroché à la paroi intérieure » d’un tipi
sioux Oglala. Nous pensons qu’il s’agit peut-être
tout simplement d’une version remaniée de l’histoire
du « long couteau » qui apparaît sur la photo prise
par Morledge dans les années 1890-1891. Cette référence
à un sabre japonais se trouvant dans le tipi
d’un Sioux a probablement été diffusée oralement
dans les années 1950-1960 au sein de la communauté
des passionnés et des collectionneurs de sabres
japonais, dont faisaient partie Hartley et Buttweiler.
Comme souvent avec les témoignages oraux et les
souvenirs, aucune image ni citation spécifi que n’accompagne
les informations transmises. Par conséquent,
si la référence tribale « Sioux » est restée, la
maison, à l’origine la cabane en planches de Red
Cloud, est devenue un tipi, tandis que l’image originale,
en l’occurrence la photo de Morledge, s’est
DOSSIER