Une série spectaculaire d’oeuvres audacieuses des
îles hawaïennes constitue la conclusion de l’exposition
et présente des exemples de l’impressionnant
travail de plumes et de fi bres créé pour l’élite de la
classe dirigeante, points culminants de la réussite
artistique hawaïenne. Les chefs étaient une incarnation
vivante de la prospérité et de l’abondance
dans le pays. Dans les récits hawaïens, les chefs
les plus hauts gradés étaient qualifi és métaphoriquement
de « requins qui marchent sur la terre »,
expression révélatrice
de l’impressionnant
pouvoir et de l’autorité
qu’ils exerçaient. La
célèbre cape en plumes
qui appartenait autrefois
au chef hawaïen
Kamehameha Ier 6 (et
qu’il offrit au capitaine
Henry Dorr en
1819) comprenait plusieurs
milliers de petites
plumes provenant de
populations d’oiseaux
i’iwi et ‘o’o élevés, chacune
méticuleusement nouée par sa plume fendue
à une trame de fi bres et agencée en motifs audacieux
pour créer une somptueuse surface semblable
à du velours (fi g. 7). La confection ingénieuse de
capes de plumes déclenche de puissantes idées de
transformation et d’effi cacité chez les chefs qui les
portaient. Il s’agissait d’oeuvres de transformation,
destinées à éblouir et à impressionner, conçues pour
embellir et orner le corps divin du chef en captant
la vitalité du monde naturel. Comme élément de
conception formel, le croissant lui-même suggérait
de puissantes associations. Hoaka, le terme
hawaïen pour en désigner la forme, s’applique à un
certain nombre de concepts. Il peut signifi er l’arc
de l’arc-en-ciel, la crête dressée d’un casque et, de
manière signifi cative, l’éclat et le rayonnement. Sa
référence à la lumière du jour étincelante ou à un
éclair évoquait les sources mêmes du pouvoir divin.
Porter une cape de plumes en forme de croissant
aux couleurs rituelles (rouge, noir et jaune) était un
moyen stratégique pour un chef de renforcer son
incarnation comme être divin.
Les chefs étaient des incarnations divines de la
vitalité associée à la prospérité agricole. Puisque
les divinités ancestrales assuraient la vie et la
clan dans tout district ou groupe d’îles, en fonction
de leurs besoins. La mobilité était un élément clé de
toutes les sculptures et emblèmes rituels.
La deuxième partie de l’exposition, intitulée « En
soutenant le ciel », présente des bâtons de cérémonie
sculptés de manière exquise et d’importantes
divinités de Tahiti, de Mangareva et des îles Cook,
ainsi que des oeuvres de fi bres et de plumes complexes,
notamment une impressionnante coiffe en
plumes et coquillages des îles Australes (fi g. 5) et
un plastron en plumes, fi bres et poils de chien (taumi)
des îles de la Société (fi g. 6). L’un des artefacts
tahitiens les plus complexes était le taumi, une base
de fi bres tissées en forme de croissant qui incorpore
des bandes de plumes irisées soigneusement
taillées, de petites dents de requin parfaitement
calibrées, et une épaisse frange de poils de chien
gris-blanc le long de sa bordure extérieure. L’architecture
délicate du taumi refl était les capacités de
la classe d’élite des chefs qui l’avaient commandé,
puisqu’ils devaient pouvoir accéder à des ressources
précieuses et aux réseaux de main-d’oeuvre
qualifi ée nécessaire à la production de cette oeuvre
complexe. Les poils de chien gris-blanc et le cordon
de fi bre de coco de qualité supérieure ont été importés
à Tahiti depuis les atolls voisins de l’archipel
des Tuamotu. Les plumes rouges et vertes soigneusement
calibrées appartenaient à une espèce rare
de loriquet (Vini kuhlii) commercialisé à Rimatara,
dans les îles Australes, et il a fallu de nombreuses
heures pour capturer les requins et en extraire les
dents afi n de les incorporer à ce composant unique
des emblèmes rituels. Cet assemblage complexe de
matériaux rares, importants et précieux, s’est combiné
pour former un ensemble saisissant porté par
des chefs de haut rang ainsi que des prêtres et des
guerriers durant leur activité, renforçant ainsi leur
pouvoir et leur domination. Des témoignages picturaux
suggèrent que les taumi étaient portés par
paires, sur le devant et le dos de la poitrine et des
épaules, de sorte que la tête semblait sortir de la
mâchoire d’un requin. Les aspects transformateurs
de cette armature impressionnante étaient clairs et
explicites, chaque matériau signalant le contrôle et
le pouvoir exercés sur la terre, le ciel et la mer. Encerclés
par des rangées de dents de requin blanches,
l’éclat de plumes étincelantes et des touffes de poils
de chien blanc, les prêtres guerriers d’Arioi étaient
investis des qualités féroces et puissantes des dieux
dont ils étaient issus.