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L’exposition Pigalle au l de la presse :
un succès médiatique et populaire
e Pigalle exhibition as perceived by
the press: a media and popular success L Nicolas Rollands’est
’
exposition à la galerie Pigalle imposée dès son ouverture en février 1930
dans la
comme un événement marquant longue chronologie de la reconnaissance
des arts extra-occidentaux en France.
Son succès, dont les causes sont multiples,
the galerie
mesure de l’importante
From its opening in February 1930,a été d’abord à la fréquentation du théâtre Pigalle qui,
malgré les difficultés liées à sa direction
artistique, agissait comme un puissant
pôle l’entredeux
culturel dans le Paris de guerres1.
Parallèlement, la presse s’est aussi chargée – en
commentant largement l’exposition – de relayer et
d’accroître la notoriété de l’événement, bien au-delà
du cénacle parisien. Journaux quotidiens, revues d’art,
de littérature et de théâtre, magazines d’information,
presse nationale, régionale, algérienne, polonaise,
anglaise ou allemande : le spectre des périodiques qui
ont traité de l’exposition est large et donne une idée
relativement précise des diverses tendances de
l’opinion publique de l’époque au sujet de l’art « nègre ».
L’art « nègre » n’est plus une nouveauté
Un premier constat revient d’abord de façon récurrente :
en 1930, l’art africain ou océanien ne constitue
plus pour le grand public une découverte. L’influence
qu’il a exercée dès le début du siècle sur le travail
des artistes d’avant-garde est rappelée par de
nombreux commentateurs comme une évidence, voire
un poncif. « C’est là déjà de l’histoire ancienne »2
Pigalle exhibition became a milestone in the long
chronology of the appreciation of non-western art
in France. Its success – due to a variety of reasons
– was firstly a reflection of the number of visitors
to the théâtre Pigalle which, despite the difficulties
associated with its artistic direction, acted as an
important cultural focus in Paris during the
interwar period1.
At the same time, the press – through the wide
exposure it gave the exhibition – was responsible
for spreading and boosting the event’s notoriety
well beyond the art circles of Paris. The range of
periodicals covering the exhibition was very broad
– daily papers, art, literary and theatre journals,
news magazines and the national, regional, Algerian,
Polish, English and German press – and gives a
relatively accurate idea of the diverse trends of public
opinion on the subject of “Negro” art at that time.
“Negro” art no longer a novelty
One recurring message that comes across is that
in 1930, African and Oceanic art was no longer a
novelty to the general public. The influence this
art had exerted on the work of avant-garde artists
since the start of the century is mentioned by many
commentators as a truism or even a cliché. “It is
already ancient history2”, states
Extrait de l’article de Florent Fels «Les Arts sauvages à la galerie Pigalle » publié dans L’Art vivant, 15 mars 1930, no 126, p. 232
(voir cat. 121, 284, 354 et 356)
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FIG. 4 (CI-DESSUS) : Flèche
faîtière. Kanak, Nouvelle-
Calédonie.
Metropolitan Museum of Art, New
York, 1979.206.1451.
© The Metropolitan Museum of Art,
Dist. RMN-Grand Palais / image of
the MMA.
T. A. M. : Quelles ont été les plus grandes diffi cultés
que vous avez dû surmonter dans le processus
d’identifi cation des oeuvres présentes dans l’exposition
PIGALLE ?
C.-W. H. et N. R. : La mise au point de ce « catalogue
raisonné » a nécessité tout d’abord d’identifi er
visuellement un maximum d’objets. Les photographies
in situ ont été une source précieuse, évidemment, mais
pas la seule. Nous avons également effectué de longues
recherches dans les publications de l’époque, qu’il
s’agisse d’ouvrages spécialisés, de revues artistiques ou
simplement de la presse quotidienne. Pour notre plus
grand bonheur, l’exposition rencontra à l’époque un
fort écho médiatique, et de nombreux articles de presse
reproduisaient des objets exposés à la galerie Pigalle.
Il a fallu ensuite confronter ces images avec la liste
de quatre cent vingt-cinq entrées contenue dans le
catalogue de l’exposition. C’était un immense jeu de
piste, beaucoup moins évident qu’il n’y paraît, car
les appellations géographiques et ethniques avaient
souvent changé depuis. Par ailleurs le catalogue
comportait aussi un certain nombre d’erreurs quant
à l’origine des oeuvres, leurs dimensions ou leurs
propriétaires. Mais l’étape la plus complexe fut sans
doute d’établir un historique complet pour chacune des
oeuvres identifi ées ainsi qu’une bibliographie exhaustive.
Certaines sont publiées dans notre ouvrage pour la
première fois, mais d’autres plus connues – et les chefsd’oeuvre
étaient nombreux dans l’exposition – ont été
reproduites dans des dizaines d’autres publications,
qu’il a fallu identifi er et lister ! Nous avons pensé ce
livre comme un véritable outil de travail, aussi utile
que possible pour les chercheurs, les professionnels du
marché et tous les amateurs intéressés par l’histoire des
oeuvres.
T. A. M. : Votre livre a été tiré à cinq cents
exemplaires : des projets en vue pour élargir la
diffusion de votre immense travail ?
C.-W. H. et N. R. : La réalisation d’un livre comme
celui-ci représente des coûts très importants
(iconographie, édition, rémunération des auteurs, etc.)
que nous avons entièrement supportés nous-mêmes.
Dès lors pour rentrer dans nos frais nous avons choisi
de ne pas passer par les voies de diffusion classique en
librairie et de ne tirer qu’un nombre limité d’exemplaires.
Ainsi, le livre est uniquement disponible en galerie ou via
un site Internet que nous venons de lancer
(www.galeriepigalle1930.com). Nous avions à coeur de
concevoir un ouvrage de grande qualité susceptible de
plaire autant aux bibliophiles qu’aux amateurs éclairés,
sa rareté contribuant à son intérêt. Pour cette raison
d’ailleurs nous n’envisageons pas de réédition de ce livre.
En revanche, afi n d’élargir la diffusion de notre
travail auprès d’un plus large public, nous étudions
actuellement la possibilité d’organiser une exposition
d’envergure sur ce sujet, l’événement présenté à
l’Espace Tribal en septembre dernier ayant offert un
formidable aperçu de ce qu’il serait possible de faire à
l’échelle d’une institution muséale. Imaginez, à nouveau
réunis cent ans plus tard, les nombreux chefs-d’oeuvre
exposés à la galerie Pigalle en 1930, dans un espace et
une scénographie restituant l’ambiance et l’importance
historique de l’événement. Évidemment Paris serait le
lieu idéal pour cela, mais toute proposition venant de
l’étranger sera étudiée avec intérêt !
FIG. 3 (CI-DESSOUS) :
Canne. Kongo, RDC.
Collection privée. © Hughes
Dubois, avec l’aimable autorisation
d’EntwistleGallery.
NOTE
1. Maureen Murphy, De
l’imaginaire au musée, Les
arts d’Afrique à Paris et à
New York (1931-2006), Les
presses du réel, 2009 et
« L’exposition d’art africain
et d’art océanien à la galerie
du théâtre Pigalle, à Paris,
en 1930 », D’un regard
l’autre. Histoire des regards
européens sur l’Afrique,
l’Amérique et l’Océanie,
Musée du quai Branly -
Jacques Chirac – RMN GP,
2006, p. 308-310.
/(www.galeriepigalle1930.com)