DOSSIER
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FIG. 9 (EN HAUT À
GAUCHE) : Wi-jún-jon,
Pigeon’s Egg Head The
Light Going To and
Returning From Washington.
Lithographie d’après une
peinture de George Catlin,
1837-39.
Tirée de George Catlin, North
American Indian Portfolio (tirage Reese
I : 4), 1855.
Encre et aquarelle sur carte. 330,8 x
44,8 cm.
Photo avec l’aimable autorisation de
Sotheby’s.
La forme incurvée du long et large
fourreau, la forme de la poignée et
la garde en étrier de l’épée suggèrent
qu’il s’agissait d’un sabre dragon ou
d’un sabre de cavalerie similaire.
L’épée n’apparaît pas sur la peinture
originale de Catlin, mais sur des
reproductions ultérieures, dont cette
lithographie.
l’époque. L’artiste renommé George Catlin (1796-
1872), par exemple, a représenté l’Assiniboine bien
connu qu’il appelait « Wi-jun-jon, Tête d’OEuf de
Pigeon » (en réalité Anjonjon, « La Lumière »), alors
que ce dernier se trouvait à Washington, D.C. entre
1831 et 1832. Selon le concept avant / après, Catlin
montre d’abord Anjonjon en route vers Washington,
portant une tenue traditionnelle en peau de daim et
une longue coiffe en plumes d’aigle, puis après sa
visite dans la capitale, cette fois vêtu d’un uniforme
militaire et d’un haut-de-forme orné d’un plumet. Le
président américain Andrew Jackson avait démontré
la grandeur et la générosité des États-Unis en offrant
des cadeaux à son hôte, notamment une médaille «
de la paix et de l’amitié » et, tout aussi important
pour le guerrier, « l’insigne d’honneur » et symbole
d’amitié que d’autres chefs amérindiens avaient reçu
avant lui, à savoir un large sabre étincelant, muni
d’un fourreau et de sangles, ainsi qu’un ceinturon
rouge4. Notons toutefois que ce sabre ne fi gure pas
sur l’oeuvre originale de Catlin, mais uniquement sur
des reproductions ultérieures (fi g. 9).
Les longues lames des épées apparaissent également
dans les représentations pictographiques amérindiennes
de batailles et de pratiques cérémonielles.
Dans la région des Plaines, les artistes peignaient sur
des peaux de bison (fi g. 10 et 11), sur les tuniques de
guerre personnelles en peau de caribou ou de daim et
sur les tipis (ou sur la doublure intérieure décorative
placée à la base du tipi pour accroître l’intimité et se
protéger des courants d’air).
Confrontées à la disparition du bison et à la fi n
des guerres indiennes durant la seconde moitié du
XIXe siècle, les nouvelles générations d’artistes amérindiens
ont commencé à s’exprimer sur papier via
une nouvelle forme d’art narratif, le ledger (Greene
2004). L’épée a continué à peupler le discours visuel
de ces guerriers des Plaines devenus artistes (fi g. 12).
Les Amérindiens ne se contentaient pas de « recevoir
» cette nouvelle arme euro-américaine. Souvent,
ils transformaient ou personnalisaient les épées et les
sabres (de même que les armes à feu, en particulier les
fusils et les carabines achetés ou échangés) à l’aide de
décorations typiques, notamment des bandes de cuir,
des rubans, des pendentifs de perles et des plumes (fi g.
14 et 16). Les fourreaux étaient également transformés
via ce processus d’« indianisation » (fi g. 13). Les propriétaires
des épées ajoutaient des pendentifs colorés en
cuir et en tissu aux fourreaux d’origine ou les fabriquaient
eux-mêmes avec de la peau de daim ou du cuir
brut à franges, avant de les décorer avec des perles et
des motifs peints. Les épées étaient parfois rangées dans
des gaines en peau spécialement conçues pour l’occasion
et souvent ornées de motifs symboliques (fi g. 17).
L’intégration massive des épées et des sabres dans
la tenue formelle des chefs de clans et des guerriers