YVES-BERNARD DEBIE
T.A.M. : Enfi n, actualité oblige, permettez-moi
d’aborder le sujet « restitutions ». Depuis les
déclarations de Ouagadougou du président
Macron, vous vous êtes dressé, en votre position
d’avocat, comme l’une des voix critiques les plus
fermes (même si toujours respectueuse) de cette
question des restitutions. Qu’est-ce qui vous
inquiète dans ce débat en tant que collectionneur ?
Y.-B. D. : Ce qui me frustre dans ce débat sur
les « restitutions », c’est qu’il a été lancé de façon
abrupte et irresponsable sur des présupposés,
tous faux. Je l’ai beaucoup dit et écrit, dans ce
magazine notamment, donc je ne m’étendrai
pas plus avant, mais j’ai été frappé par la violence
des propos tenus à la suite de la déclaration
du président Macron à Ouagadougou à
l’encontre des musées et particulièrement celui
du quai Branly -Jacques Chirac. En quelques
mois, ce merveilleux lieu de culture et de partage,
cette ambassade où toutes ces civilisations qui
ne sont pas nous ont le droit de cité et d’être
sublimées, a été jeté en pâture à une poignée de
repentants professionnels uniquement soucieux de
leurs petits fonds de commerce. Malheureusement
la presse a joué un rôle de caisse de résonance.
Dans leurs discours sur l’histoire, ils ont oublié
l’Histoire, celle qu’il faut appréhender avec
précision, respect et sans l’anachronisme qui
conduirait à condamner de nos jours sur base des
conventions de La Haye de 1899 et 1907, Jules
César, pour les « crimes » dont il fait l’aveu dans
ses écrits sur la Guerre des Gaules entre 58 et 50
avant Jésus-Christ. Absurdité insupportable pour
le juriste et l’amateur d’art et d’histoire !
Mais le collectionneur que je suis n’est
pas inquiet, mon intérêt pour l’art non européen
et pour ces peuples du bout du monde est intact.
Je ne suis pas le seul, d’ailleurs. Les ventes
publiques ou en galerie le montrent, les beaux
objets et les chefs-d’oeuvre trouvent et trouveront
toujours preneurs. Peut-être le marché, sous
le coup d’effet d’annonces alarmantes, peut-il
momentanément se montrer plus sélectif, mais
c’est alors qu’il faut saisir les opportunités qui
s’offrent à nous. Le Parcours des mondes 2018,
par exemple, en pleine folie « restitution »,
fut pourtant la meilleure édition en termes de
fréquentation et de vente.
Et puis, un proverbe africain ne dit-il pas que
« l’espoir est le pilier du monde » ?
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À DROITE, DE HAUT EN BAS
FIG. 15 : Massue. Maori,
Nouvelle-Zélande.
Ex-coll. James Hooper.
© Paul Louis, Bruxelles.
FIG. 16 : Trompette horagai
ou rappakai. Japon. Période
Edo, XIXe siècle.
© Paul Louis, Bruxelles.