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FIG. 4 (CI-DESSUS) : Te Raumiria te Haunui de Ruatoki. Par
James MacDonald (1865-1935).
Wellington, Aotreaora. Juillet 1908.
½ négatif sur plaque de verre. 20 x 15 cm.
Michael Graham-Stewart Collection, Auckland.
Cette illustration représenterait Te Raumiria te Haunui, mais cela
reste à confi rmer4. Haunui était la mère de Te Akakura (Patu)
Ru du hapŗ (Patu) Ru of the Ngāti Rongo de Tūhoe et une des
nombreuses épouses du prophète Rua Kenana Hepetipa. Elle
aurait même été sa favorite. Haunui était une chef de haut rang
de Tauarau Ruatoki et cette image montre que son moko kauae
a été profondément poinçonné autour de ses lèvres. D’après un
article paru en 1932 dans le New Zealand Herald, Haunui était la
belle-mère préférée de Rua et a souffert, dans les années 1930,
d’un handicap attribué à la sorcellerie, mākutu5.
Au début du XXe siècle, les activités du prophète Rua
comprenaient l’établissement d’un nouvel ordre religieux et
d’une nouvelle communauté à Maungapohatu qu’il appelait la
« Cité de Dieu »6. Il prétendait être le fi ls de Jéhovah, le frère de
Jésus7 ; on l’appelait mihaia, le messie, et on reconnaissait qu’il
avait des pouvoirs de guérison et la capacité de ressusciter les
morts. À cela s’ajoutait la fervente opinion politique de Rua en
faveur d’une plus grande égalité juridique pour les Maoris à une
époque d’expansion de l’agriculture des pākehā, qui a alarmé et
incité le gouvernement néo-zélandais à promulguer le Tohunga
Suppression Act de 1907. Une des conséquences de cette loi fut
la mise hors la loi effective de la pratique du tā moko.
importants et profonds dans l’univers maori. En
1921, James Cowan a consigné les mots de Netana
Whakaari de Waimana, un guerrier vétéran :
« Vous pouvez perdre vos plus précieuses possessions par
malchance de diverses façons : vous pouvez perdre votre
maison, votre patupounamu, votre épouse et d’autres trésors,
on peut vous voler vos biens les plus précieux, mais
personne ne peut vous priver de votre moko. Seule la mort
en est capable. Ce moko sera votre ornement et votre compagnon
jusqu’à votre dernier souffl e. »
De nombreux comptes rendus historiques font
état du processus du ta moko. Il en existe un grand
nombre de déclinaisons, mais, en règle générale, pendant
la première moitié du XIXe siècle, le principal
outil utilisé était le poinçon, uhi, ou plus précisément,
te uhi, a mataora, le poinçon de Mataora, portant
ainsi le nom du chef susmentionné qui aurait ramené
l’art du ta moko dans le monde naturel. Des pointes
coupantes étaient sculptées à partir d’os et ensuite
attachées à un manche en bois. Le tohunga possédait
des pointes de différentes tailles et formes. Certaines
étaient dentées afi n de percer la peau, tandis que
d’autres disposaient d’un bout plat et aiguisé pour
inciser la peau. À partir des années 1840, les tohunga
ont complété leur collection de poinçons à pointes
en os avec des outils en métal, leur permettant de
réaliser des incisions plus profondes. Cette nouvelle
technologie a donné naissance à une ère de motifs
fl orissants, particulièrement pendant la période de
recrudescence dans les années 1860, lorsque Tukaroto
Matutaera Potatau Te Wherowhero Tawhiao, le
second roi maori et chef de la résistance contre la
gouvernance coloniale, a annoncé son souhait que
tous les jeunes guerriers (toa) reçoivent un moko.
Le ta moko était un processus lent et douloureux.
Le tohunga esquissait le motif au charbon sur le
visage, ensuite il tapotait le poinçon de façon rythmique
au moyen d’un petit maillet de sorte que la
lame s’enfonce profondément dans la peau pour
créer sillons et crêtes incisés dans lesquels serait ensuite
versée de l’encre pour colorer la peau. Cette
encre, wai ngarahu, était elle-même tapu (sacrée)
et conçue à partir d’un mélange de suie et de graisse.
La suie provenait de plusieurs sources telles que
du bois brûlé, de la résine de kaori (type d’arbre)
et les fameuses « chenilles végétales », awheto, qui
sont en fait les restes durcis d’une larve de phalène
consommés par un champignon parasitaire. Parmi
les observances et objets rituels associés au ta moko,
MOKO