MUSÉE À LA UNE
passé et ont effectué des recherches pour en apprendre
autant que possible sur cette forme d’art grâce aux
archives existantes et aux connaissances de la communauté.
80
Aujourd’hui, seule une poignée d’experts
recourt encore au poinçon à moko du XIXe siècle,
nombre d’entre eux préférant utiliser les machines
à tatouer génériques. Grâce à l’activisme d’un petit
groupe de tohunga, le ta moko a, une fois de plus,
refait surface en qualité de pratique culturellement
respectée. Hommes et femmes maoris portent fi èrement
ces tatouages à travers toute l’Aotearoa.
Māori Markings: Tā Moko
22 mars - 25 août 2019
National Gallery of Australia, Canberra
www.nga.gov.au
Consultez le site pour plus d’informations pour les ateliers de tā
moko les événements programmés.
Cette exposition a pu être réaliser grâce au concours de la
New Zealand High Commission de Canberra et de Toi Maori
Aotearoa.
FIG. 7 (À GAUCHE) : Père et fi ls ancêtres
non identifi és. Photo prise par J. B. Brown.
Aotearoa. C. 1910.
Tirage sur papier albuminé et sur panneau. 16 x 24 cm.
Michael Graham-Stewart Collection, Auckland.
Voici un whānau, une photo de famille de
commande datant du début du XXe siècle.
Père et fi ls portent des plumes d’huia sur leur
chapeau melon et sont chacun drapés dans
une cape en plumes de kiwi, kahu kiwi. Le fi ls
tient une arme taiaha devant appartenir à son
père âgé. Le moko du père semble avoir été
apposé au poinçon et sa lèvre supérieure est
masquée par sa moustache. Son moko date
probablement de la période de recrudescence
du Wāmoko entraînée par le mouvement de
la monarchie maorie, kāngitanga, dans les
années 1860, lorsque le magnifi que moko
paruhi du roi Tāwhiao représentait, aux yeux
de beaucoup, une source d’inspiration.
FIG. 8 (CI-DESSUS) : Maori rangatira (Te
Iriaha ?). Photo par George Wesley Bishop
(1840-1887). Auckland, Aotearoa.
Années 1860.
Carte de visite. 8,9 x 5,4 cm.
Michael Graham-Stewart Collection, Auckland.
La prolifération tant des portraits commandés
que des modèles rémunérés par les
photographes néo-zélandais a été telle qu’il
existe aujourd’hui de nombreuses illustrations
d’ancêtres maoris qui ne sont, à l’heure
actuelle, pas encore identifi és. Ce rangatira
au regard déterminé possède un moko
partiel, mais profondément poinçonné.
Une copie de cette carte de visite
conservée dans les collections du Museum
of New Zealand Te Papa Tongarewa15 porte
une inscription au verso identifi ant l’homme
comme « Te Iriaha ». L’inscription se poursuit :
« Chef rebelle Waikato. Terres confi squées.
En comprend la justice et a prêté serment
d’allégeance »16, ce qui suggère que ce
rangatira était impliqué dans le
kĦngitanga, le mouvement de la monarchie
maorie mené par Te Wherowhero Tāwhiao.
George Nuku a déclaré :
« Ces illustrations sont toutes les deux très
spéciales à mes yeux à bien des égards. Serena
a capturé des moments clés.
Le premier est celui où tout le travail
d’esquisse était enfi n tracé sur ma gorge et la
partie inférieure de mon visage. Mon oncle,
Tamihana Nuku, le frère aîné de ma mère et
chef de notre whānau, venait de terminer les
rituels de karakia. Haki Williams (un de mes
proches), la personne apposant le moko, venait
également de fi nir ses karakia pour entamer
son travail. Nous étions au commencement,
au point de non-retour. C’est à ce moment-là
que mon fi ls, Naboua, est venu de son plein
gré placer son visage le plus proche possible du
mien. Il se tenait à la hauteur de mes yeux. Il
n’a pas dit un mot.
J’ai très fortement ressenti sa présence
silencieuse. Il me transmettait le message
suivant (il a tendance à ne pas s’exprimer sans
bonne raison) : « Tout ira bien Papa. C’est moi,
Naboua, je suis là. »
Ma tête était penchée vers l’arrière et
ma gorge exposée de sorte que la peau soit
tendue et que Haki puisse tatouer le moko à
cet endroit-là en premier lieu. Je me rappelle
m’être senti complètement prêt dans ma
psyché et, dans mon cas, cet état transparaissait
curieusement sous la forme d’une lumière
émanant de mes yeux.
La seconde image illustre mon visage le
premier matin d’un nouveau jour et d’une
nouvelle vie.
Haki se tient à ma droite et Tamihana à ma
gauche ; c’était un moment fort, le whakapapa,
les liens généalogiques qui nous lient tous les
trois sont, d’une certaine façon, évidents sur
cette image. Nous sommes tous très différents,
mais le lien qui nous unit renforce notre
similitude au sein même de cette différence. »
Haki et Tamihana portent tous les deux des
taonga (des trésors sous la forme de sculptures
qui se portent) que j’ai spécialement réalisés
pour eux. Tamihana porte un élément en fanon
de baleine sculpté représentant une demeure
ancestrale qui appartenait à notre tribu et
Haki porte un rei-puta sculpté dans un solide
morceau de nacre qui composait en partie mon
tribut en échange de mon moko. À mes yeux,
cette image évoque à la fois humilité et fi erté.
Elle exprime aussi un sentiment de satisfaction
et d’accomplissement que nous partageons tous
les trois ; il s’agissait en effet d’une première
pour nous tous à bien des égards.
Pour Haki, son premier moko kanohi
(tatouage facial). Pour moi, une première tout
court de toute évidence. C’était la première
fois que Tamihana assistait à un tel processus et
en faisait partie intégrante. C’était également
une première dans la vie des membres de ma
famille qui restera à jamais gravée dans leurs
mémoires17. »
cette décennie. Toutefois, la tradition des moko kauae
féminins s’est perpétuée jusqu’au XXe siècle. La pratique
s’est toutefois vue considérablement réduite à la
suite du Tohunga Suppression Act de 1907, une loi
visant à démanteler l’utilisation maorie des médecines
traditionnelles et, plus spécifi quement, à enrayer l’activisme
politique du prophète Rua Kenana Hepetipa.
Tout au long du XIXe siècle et malgré des changements
sociétaux, l’introduction du christianisme, les guerres
territoriales et autres affrontements avec les colons, la
culture maorie est restée exceptionnellement forte. Sa
vitalité a perduré au XXe siècle et se poursuit encore
au XXIe siècle. L’art du moko et son port n’ont jamais
vraiment disparu et, dans les années 1970, les femmes
maories ont commencé à faire revivre et à réaffi rmer
le port du moko kauae au titre de marque de fi erté
culturelle. Dans les années 1990, on a pu observer
une résurgence active menée par une nouvelle ère
d’experts tohunga-ta-moko qui se sont penchés sur le
/www.nga.gov.au