FEATURE
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FIG. 11 (CI-DESSUS) :
Masque facial n’gre.
Artiste bete. District du
Bas-Sassandra, Côte d’Ivoire.
Fin du XIXe siècle.
Bois, métal, tissu et cauris. H. : 33,5 cm.
National Museum of African Art,
Smithsonian Institution, don de M et
Mme Brian Leyden et acquisition du
musée. 2013-21-1
Photo : Franko Khoury.
ARTS EN MOUVEMENT
L’avant-dernière section de la nouvelle installation
explorera les réalités expérientielles des objets. Ancré
dans le vécu des personnes se servant des pièces,
le discours proposé dans cette galerie questionnera
la manière dont les objets et les idées peuvent être
à la fois sujets, objets et produits d’échanges sur de
vastes territoires, parfois même à échelle mondiale.
En effet, les arts africains sont rarement statiques.
Les instruments musicaux vibrent de mille sons
pendant les cérémonies, les objets au coeur des mascarades
construisent une performance multisensorielle,
des poids à peser l’or stupéfi ants et des monnaies
de toutes sortes circulent le long des routes
commerciales, des sculptures défi lent dans des
processions ou sont modifi ées pour atteindre leurs
capacités maximales, et, aujourd’hui, les tableaux
se prêtent pour des expositions et les vidéos traversent
le temps. Les artistes africains franchissent
les frontières et leurs infl uences voyagent. Individus
et communautés migrent, suivent des opportunités
commerciales et partagent des idées, des matières,
des techniques et des styles. Les oeuvres d’art dans
cette galerie refl ètent de tels parcours à travers le
temps et l’espace, et amènent le visiteur au moment
présent faisant concluant ainsi la réfl exion sur ces
questions complexes.
Cette galerie est l’un des espaces de Visionary
comptant le plus de grandes vitrines. Densément
remplies, elles contiennent des typologies d’objets
de tous genres et s’offrent aux visiteurs comme une
« réserve à ciel ouvert » permettant de découvrir la
richesse de ces arts ainsi que la quantité infi nie de
nuances que l’on peut observer au sein d’une typologie
déterminée. Trois de ces grands dispositifs sont
consacrées à la présentation de monnaies, de poids
en or et d’ivoires. Particulièrement nombreux, les
objets en ivoire sélectionnés pour cette vitrine comportent
plusieurs pièces phare de la collection, dont
une cuillère remarquable par sa délicatesse, réalisée
par d’un artiste edo du XVe siècle (fi g. 12) et appartenant
jadis au diplomate américain et fondateur
de Dumbarton Oaks Robert Woods Bliss. Sculptée
pour être exportée en Europe, cette pièce allie
des caractéristiques de style local à d’autres européennes.
Parmi les objets les plus remarquables de
« Moving Arts » fi gure également un sommet de
canne en ivoire né de la main d’un artiste kongo
(fi g. 13). Son iconographie renvoie à la quête de
connaissances cachées de la part d’un responsable
African Art, aiguilleront davantage les visiteurs à
la découverte d’éléments visuels spécifi ques aux
objets africains. Si les visiteurs se sont jusqu’alors
surtout contentés de vivre une expérience de musée
typiquement passive – c’est-à-dire scanner les
objets, lire les cartels (dans le meilleur des cas) ou
partager des images ou des selfi es en ligne – il est
à espérer que ce « Looking Lab » encouragera une
interaction plus intime et directe avec les objets.
Parmi les oeuvres d’art présentées ici on trouvera
un masque au regard impressionnant produit
par un artiste bete (fi g. 11), illustrant le thème des
capacités expressives qui caractérisent de nombreuses
typologies d’objets. Un tel masque est délibérément
troublant. Personnifi cation de puissantes
forces spirituelles associées à la forêt, il pourrait
être apparu dans la communauté bete pour régler
les disputes ou mener des combats. Son expression
renvoie au pouvoir politique obtenu par coercition
et perturbation.