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FIG. 6 (PAGE DE GAUCHE) :
Masque facial. Kata ou
Kambulu, RDC.
Bois et pigment. H. : 34,9 cm.
Ex-Henri Kerels, Bruxelles (vers 1937) ;
Paul et Luisa Muller-Vanisterbeek,
Bruxelles ; Jef Vanderstraete, Lasne,
Belgique ; Jacques et Denise Schwob,
Bruxelles ; Merton Simpson, New
York (vers 1985) ; Donald Morris,
Birmingham, Michigan, et New York ;
Margaret Demant, Birmingham,
Michigan (vers 1989).
Collection privée.
© Tim Thayer, avec l’aimable
autorisation de la Donald Morris
Gallery, New York.
Les membres les plus âgés d’une association
régulatrice appelée Mukanda
sollicitent de temps à autre l’intervention
du masque cibwabwabwa,
par exemple en cas de baisse de la
natalité ou lorsque la chasse se révèle
infructueuse à plusieurs reprises.
Cependant, étant donné que les
masques n’appartiennent pas à l’association,
ils sont également utilisés dans
d’autres circonstances, notamment lors
de funérailles ou simplement à des fi ns
de divertissement.
FIG. 7 (CI-DESSOUS) :
Croquis du masque kata /
kambulu (ex-Kerels), par
Frans M. Olbrechts.
MAS | Museum aan de Stroom,
Anvers.
© Collectiebeleid Musea en Erfgoed,
Anvers.
parmi leurs descendants encore en vie. Au sein de
la société pende contemporaine, les mascarades
apparemment profanes continuent de favoriser
le bien-être de la communauté et la solidarité
du groupe. Le masque de Peres appartient à un
genre nommé Pumbu, l’un des nombreux genres
qui formaient autrefois la vaste catégorie des
masques de danse – parfois appelés « masques de
village » – désignés par le terme générique mbuya.
L’identifi cation d’un personnage en particulier au
sein de la catégorie des mbuya repose généralement
davantage sur la chorégraphie et les attributs du
costume, de la coiffe et des accessoires que sur les
éléments formels du masque lui-même.
Durant les préparatifs de mon exposition en
2001, j’ai découvert parmi les croquis d’Olbrechts
de la documentation relative à un masque qui se
trouve actuellement dans une collection privée aux
États-Unis (fi g. 6 et 7). À l’époque de l’exposition
anversoise, dans les années 1930, il appartenait
à l’artiste et collectionneur belge Henri Kerels
(1896-1956), réputé pour ses tableaux africains
peints d’après nature (fi g. 8). Kerels s’était procuré
ce masque ainsi que plusieurs sculptures au cours
d’un séjour au Congo en 1930-1931. Le masque
est un exemple rare d’un genre qui, il n’y a pas si
longtemps encore, était appelé à tort Mbagaani
ou « Babindji » (Bindji)3. À la lueur des vastes
recherches de terrain menées par Rik Ceyssens dans
la région, nous savons aujourd’hui que ces masques
connus sous le nom de cibwabwabwa, sont l’oeuvre
d’artistes Kata – aussi appelés Kata-Kangandu – ou
Bana Kambulu (Ceyssens 2016 : 150). Hormis le
masque Cibwabwabwa, qui est le masque principal
de cette tradition, deux autres personnages
apparaissent aussi : sa femme Mushika et son
assistante Kabamba. Les masques masculins sont
teints en noir, tandis que les masques féminins sont
rouges ou rougeâtres. Les masques Cibwabwabwa
renvoient aux coiffures traditionnelles des jeunes
hommes de la région, appelées Mukokomo par les
Kata-Kangandu.
Les collections privées ne sont pas les seules à
renfermer des oeuvres dont le lien avec Olbrechts
et la présence à Anvers dans les années 1930
sont passés inaperçus. Un masque blanc de type
kifwebe (fi g. 9 et 10) – demeuré intact, avec son
épaisse barbe de longs brins de raphia – apparaît
dans l’ultime ouvrage que Hans-Joachim Koloss
a consacré à la collection de l’Ethnologisches
un Belge féru d’art africain et récemment nommé à
la tête du département européen de l’art d’Afrique
et d’Océanie chez Christie’s à Paris, révéla une
découverte majeure en la matière sur son blog, où
il tient une rubrique intéressante consacrée aux
inscriptions anciennes. Apparemment un superbe
masque masculin pende que le collectionneur établi
à Berlin Javier Peres acheta à Didier Claes à la
BRAFA 2016 de Bruxelles, présentait une inscription
prouvant qu’il faisait partie des objets exposés dans
Kongo-kunst ; un détail qu’ignoraient aussi bien
l’ancien propriétaire de l’objet que son vendeur
(fi g. 3 et 5). À l’époque, le masque se trouvait dans
la collection d’un certain J. V. De Raadt de Gand.
Contrairement aux autres oeuvres reproduites
dans cet article, le croquis qu’Olbrechts réalisa
probablement de ce masque n’a pas été conservé.
L’inscription caractéristique sur le masque et le fait
qu’il fi gure dans le catalogue d’exposition de 1937
sous le no 92 (sans toutefois être illustré) attestent la
présence de la sculpture dans l’exposition d’Anvers.
Bien qu’elles aient longtemps été organisées en
guise de simple divertissement destiné à un public
aussi bien local qu’étranger, les mascarades chez
les Pende remplissait à l’origine une fonction
religieuse explicite, créant un lieu de communion
entre le monde des vivants et celui des morts.
Les masques servaient à évoquer des parents
décédés censés revenir au village pour danser
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