DOSSIER
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encore une fabuleuse tête byeri fang (Gabon) d’une
grande ancienneté, une très ancienne statue nkondi
vili (Congo/Angola) chargée de clous (fi g. 18), un
magnifi que ensemble reliquaire sango (Gabon)
complet de son effi gie et de ses reliques ou encore
un superbe masque punu de l’okuyi (Gabon).
Notre étude des collections spiritaines s’est donc
basée sur le fonds de la congrégation dans son état
actuel, complété par cet important groupe d’objets
cédés, lorsque ceux-ci ont pu être identifi és sans
équivoque. Mais en l’absence d’inventaire exhaustif
réalisé à l’époque de la vente, il est possible que
quelques-uns nous aient échappé. Une vision d’ensemble
cohérente se dessine néanmoins. L’essentiel
des items inventoriés proviennent d’Afrique équatoriale
– Gabon, République du Congo, enclave de
Cabinda (Angola) – et dans une moindre mesure
de la province du Katanga (RDC), d’Angola, de
Tanzanie, du Nigeria et de Guinée. La forte représentation
de l’Afrique équatoriale s’explique aisément
par l’implantation ancienne et massive de la
congrégation dans cette région.
Les objets présentent des typologies très variées,
allant des produits d’artisanat les plus simples
aux sculptures les plus rares et les plus sacrées, et
viennent illustrer de façon relativement complète
la vie des populations africaines de la fi n du XIXe
et du début du XXe siècle. Les Spiritains se sont
en effet intéressés à tous les champs de l’industrie
humaine : objets du quotidien (ustensiles de
cuisine, outils de pêche et de chasse, instruments
agricoles) ou de prestige (armes, cannes de chef,
sceptres, etc.), artefacts liés aux sociétés initiatiques
(masques, statues, instruments de musique), objets
de magie (amulettes, statues à pouvoirs) ou encore
sculptures rattachées au culte des ancêtres (reliquaires
et leurs effi gies, statues-reliquaires, etc.).
Louis Perrois22 et Charlotte Grand-Dufay23, dans
différents travaux publiés entre 1982 et 2000, ont
étudié les oeuvres conservées au musée de Mortain.
De cet ensemble émergent de nombreuses pièces de
qualité. En provenance de l’aire Kongo, on relèvera
une grande statue à clous nkondi (fi g. 27) et une intéressante
statuette nkisi ayant toutes deux conservé
leurs charges magiques, ou encore une superbe
petite maternité d’origine Bembe (fi g. 28). Mais
l’essentiel des objets d’importance proviennent du
Gabon. C’est le cas d’une série de sculptures d’origine
Punu-Lumbu comprenant plusieurs masques
de l’okuyi, un magnifi que souffl et de forge okuka
FIG. 26 (CI-DESSUS) :
Statue reliquaire. Ambete,
Gabon / Congo. XIXe siècle.
Bois, pigments et fi bres végétales.
H. : 69 cm.
Collection CSSp.
© CSSp, photo : Vincent Girier-
Dufournier.
FIG. 27 (PAGE DE DROITE) :
Statue à pouvoirs nkondi.
Aire culturelle Kongo,
Congo / Angola (province de
Cabinda). Fin du XIXe-début
du XXe siècle.
Bois, clous, verre, résine et tissu.
H. : 51 cm.
Collection CSSp.
© CSSp, photo : Vincent Girier-
Dufournier.
(fi g. 21) ou encore une rare statue reliquaire. L’aire
culturelle Tsogho est également bien représentée,
avec de nombreux artefacts liés au bwiti, dont
une belle harpe ngombi. D’origine Sango, notons
la présence d’un superbe reliquaire ayant conservé
son effi gie et son paquet de reliques (fi g. 22).
Enfi n, venant des Fang, un impressionnant masque
biface ngontang ainsi qu’une très ancienne statue
byeri (fi g. 7) méritent d’être signalés. Tous ces objets,
exposés à Mortain puis à Langonnet depuis
des décennies, étaient connus des amateurs ayant
poussé la curiosité jusque dans les augustes mais
froids couloirs de ces abbayes.
Plus récemment, des recherches réalisées par
nos soins sur d’autres ensembles encore méconnus
(conservés dans diverses communautés de la congrégation),
ont permis l’identifi cation de nombreux
objets inédits. Ces derniers proviennent essentiellement
des aires culturelles Kongo, Téké, Fang et
Kota. Notons à titre d’exemple une très belle statuette
de chien nikisi kongo (fi g. 29), une grande
statue magique téké ayant conservé ses charges (fi g.
31), une rare effi gie de reliquaire ndassa (fi g. 23) ou
encore une impressionnante tête byeri fang collectée
en 1922, témoin d’un style de transition, plus
naturaliste quoique toujours vigoureux.
Mais la découverte la plus importante consiste
probablement dans la mise au jour de deux rarissimes
statues-reliquaires ambete (mbédé) (fi g. 25
et 26), une ethnie cousine des Obamba vivant à
la frontière du Gabon et du Congo. La production
artistique de ce peuple reste mal connue, peu
d’oeuvres ayant été recensées à ce jour. Ces dernières
attestent néanmoins du caractère majeur de
cet art, dans l’aire culturelle régionale congo-gabonaise,
mais également au sein du complexe africain
subsaharien en général. L’apparition des deux
sculptures inédites du fonds spiritain enrichit ainsi
de façon remarquable les connaissances scientifi
ques actuelles sur l’art africain. Ces deux statues,
d’une très grande qualité sur le plan plastique,
confi rment l’existence de sous-styles cohérents au
sein de l’étroit corpus ambete. La première (fi g. 26)
peut ainsi être rapprochée d’un exemplaire conservé
au musée Dapper, provenant de l’ancienne collection
Charles Ratton. Tandis que la seconde (fi g.
25) vient rejoindre un petit groupe d’oeuvres fort
célèbres, attribuées à la main d’un artiste de génie,
surnommé le « maître d’Abolo » – en l’absence
d’autre information sur son identité réelle – dont