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lointain passé n’était absolument pas mentionné.
L’historique de collection de Sotheby’s stipulait
qu’elle provenait de la Collection Rosenberg à
New York et que Jack et Deborah Rosenberg
l’avaient eux-mêmes achetée à J. J. Klejman à New
York en juin 1973. Grâce aux recherches menées
par de Grunne, nous savons désormais qu’un un
auparavant, Klejman l’avait à son tour achetée au
marchand bruxellois Émile Deletaille, qui s’était
vraisemblablement procuré la sculpture auprès de
Claes, de sa famille ou de ses héritiers7.
Certains des attributs d’origine de la fi gure ont
été préservés et l’oeuvre présente également une
remarquable « patine résineuse noircie », selon les
termes du catalogue de Sotheby’s accompagnant la
vente de 2004. Le croquis et la description détaillés
d’Olbrechts nous apprennent cependant que
l’apparence de l’oeuvre a changé à plusieurs égards
depuis son inclusion dans l’exposition de 1937-38
(fi g. 23). Les ceintures en peau de reptile attachées
sous la poitrine de la fi gure et autour de sa taille
ont aujourd’hui disparu. Elles ornent encore de
nombreuses fi gures de pouvoir songye abritées
dans des collections éparses. Mais l’élément le
plus frappant est la corne insérée au sommet de la
tête de la fi gure. En 1937-38, la fi gure ne portait
pas de corne, comme l’atteste la description
d’Olbrechts. C’est d’ailleurs ce qui explique l’écart
entre sa taille de l’époque et celle d’aujourd’hui :
49 cm contre 59,5 cm. Il se peut que la corne ait
existé à l’époque, mais que pour une
raison quelconque elle n’ait pas été
incluse dans le prêt et donc dans
l’exposition, et que par conséquent
elle n’apparaisse pas sur le croquis
d’Olbrechts, une hypothèse toutefois
impossible à confi rmer. Il est possible
aussi que la corne ait été ajoutée a
posteriori, afi n de recréer ce que l’on
peut raisonnablement considérer
comme étant l’apparence originale
de la sculpture et donc de reproduire
l’impact visuel voulu de l’oeuvre.
D’après les recherches de Dunja
Hersak à la fi n des années 1970,
nous savons que l’apparence d’une
fi gure de pouvoir songye, désignée
localement par le terme générique
nkishi, est peut-être aussi importante
que son contenu (par ex. Hersak
fi gure portant un bol, une sculpture luba acquise
en 2010 par le Cleveland Museum of Art auprès de
René et Odette Delenne (fi g. 20 et 21).
La fi gure porteuse de coupe songye appartient
à une typologie qui suggère l’infl uence des voisins
Luba. En effet, si le thème de la fi gure assise portant
un bol ou une coupe revêt une grande importance
dans l’art Luba, il n’apparaît que rarement chez
les Songye. En outre, tandis que la majorité des
fi gures luba représentent une femme, les quelques
sculptures Songye connues illustrent un homme.
Étonnamment, Olbrechts a cependant attribué cette
oeuvre à un sculpteur luba, certes provisoirement.
Un exemplaire mieux connu, abrité dans une
collection privée et fi gurant dans le livre de François
Neyt de 2004 consacré aux Songye (124, no 89), est
plus abouti sur le plan esthétique que la sculpture
dont il est question ici. Pierre Petit (1995 : 122,
fi g. 8) illustre un autre exemplaire se trouvant dans
la collection du Musée royal de l’Afrique centrale
de Tervuren et précise dans son article que les
réserves du musée en abritent au moins cinq autres
(1995 : 130, note 16). On trouve aussi une poignée
d’images représentant deux porteuses de coupe
sculptées dans le style songye. Les deux fi gures se
font face et tiennent la coupe entre elles. Toutes ces
sculptures ont en commun la position des jambes,
tendues et avec les pieds reposant contre la coupe,
en forme de cylindre évasé et proportionnellement
beaucoup plus grande que celle que l’on retrouve
d’ordinaire dans les oeuvres luba.
La dernière oeuvre à illustrer cet
article est une fi gure de pouvoir
féminine songye de taille moyenne
actuellement en mains privées à
Anvers (fi g. 22). Lorsque le marchand
d’art bruxellois Bernard de Grunne
a vendu cette saisissante sculpture à
son propriétaire, il avait pu établir la
provenance de l’oeuvre et déterminer
que lorsqu’elle se trouvait en possession
de Willy Claes à Anvers à la fi n des
années 1930, elle avait également fait
partie des objets exposés dans Kongokunst.
Elle apparaît dans le catalogue
de l’exposition sous le numéro 8356.
Toutefois, quand de Grunne acheta
cette fi gure lors d’une vente aux
enchères chez Sotheby’s à New York
le 11 novembre 2004 (lot 121), son
FIG. 17 (CI-DESSUS) :
Inscription « 668./HE.24 »
au bas de la porteuse de
coupe songye (ex-Heenen).
© Sotheby’s.
FIG. 18 (CI-DESSOUS) :
Croquis de Frans M.
Olbrechts représentant la
porteuse de coupe songye
(ex-Heenen).
MAS | Museum aan de Stroom,
Anvers.
© Collectiebeleid Musea en Erfgoed,
Anvers.
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