99
s’attachait surtout à analyser et décrire des pièces
de musée. Je trouvais cela très intéressant, mais à
un moment donné, j’ai eu envie de partir et d’explorer
tout cela par moi-même. Je me souviens d’une
conversation avec Anthony Forge à propos de la
culture post-primitive. Nous avions notamment évoqué
le cas du Sepik et il m’avait dit que ce serait très
facile d’aller y vivre car en Nouvelle-Guinée, « une
famille se composait désormais d’un père, d’une
mère, de trois enfants et d’un anthropologue »…
L’idée de devenir un de ces anthropologues « attachés
» à une famille ne m’attirait pas trop. Mais
les travaux de Forge m’ayant permis de découvrir
des infl uences indonésiennes dans l’art de Nouvelle
Guinée, j’ai quelque peu déplacé mon centre
d’intérêt initial. C’est ainsi que je suis parti aux
Pays-Bas, parce que tout le monde me disait que
pour connaître l’Indonésie, il fallait se rendre dans
un ancien pays colonisateur pour y trouver des
personnes avec une expérience de terrain. Dans un
premier temps, j’ai envisagé d’aller aux Moluques,
FIG. 6 (À GAUCHE) :
Mémorial kirekat. Longue
maison Samonganuot,
Rereiket, Siberut Tengha. Vers
1930.
Bois et peinture noire. 82 x 167 cm.
Collecté en 1967.
Dallas Museum of Art, nouvelle
acquisition. The Eugene and Margaret
McDermott Art Fund, Inc.
Mémorial de plusieurs proches
décédés. Les mains et souvent les
pieds du défunt sont tenus contre
un panneau, où leur contour est
incisé. L’intérieur des empreintes ainsi
obtenues est ensuite rempli avec du
noir fabriqué à partir de suie mélangé
à la sève d’un arbre. Deux adultes
(dont l’un uniquement désigné par
un seul pied) et trois enfants sont
représentés. Des disques semblables
à des lunes sont ajoutés pour
symboliser le passage du temps. Dans
cet exemple, le panneau se compose
d’une planche exceptionnellement
large faite à partir d’une racine
principale, que les membres du groupe
avaient conservée comme une relique
de leur ancienne maison.
FIG. 7 (À DROITE) :
Mémorial en forme de main
kirekat takep étant makire.
Rereiket, centre de Siberut.
Vers 1940.
Bois et pigment noir. L. : 54 cm.
Collecté en 1969.
Fait par un fi ls pour commémorer son
père défunt. Aussi bien la main que
l’avant-bras sont traversés de lignes
typiques des tatouages de la région.
54 cm. PC