LA CONGRÉGATION DU SAINT-ESPRIT ET L’AFRIQUE
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C’est dans ce vaste territoire apostolique, gigantesque
creuset de peuples et de civilisations, que vont
cohabiter durant plus d’un siècle et demi missionnaires
spiritains et populations africaines, au cours
d’un long et complexe processus d’acculturation,
dont chaque protagoniste sortira à jamais marqué.
II. MISSIONNAIRES ET ETHNOLOGUES ?
Lorsque François Libermann, cofondateur de la
congrégation, envoie ses premiers émissaires sur le
continent noir, il sait que le fossé culturel qui les sépare
des Africains est immense. En annonçant à ces
derniers l’Évangile, les missionnaires ne doiventils
pas d’ailleurs oeuvrer à leur rapprochement ?
Libermann souhaite que ses Spiritains accomplissent
leur devoir mais se gardent de toute condescendance
à l’égard de la culture africaine dont ils
ne savent rien. Ils doivent apprendre à connaître
les hommes et respecter leurs croyances, car c’est
la seule voie pour parvenir à les aimer, et ainsi agir
en bon chrétien4.
Mais cette connaissance de l’autre trouve également
sa justifi cation dans des considérations
plus concrètes et militantes. « Le premier devoir
du missionnaire catholique est de remplir sa mission
: propager l’Évangile, faire le catéchisme,
mettre les vérités nécessaires au salut à la portée
du plus grand nombre d’âmes possible5 » rappelle
Mgr Alexandre Le Roy. Pour ce faire, celui-ci
doit établir une profonde intimité et une grande
confi ance avec les populations qu’il entend convertir.
La maîtrise de la langue constitue ainsi le premier
devoir du missionnaire pour entrer en contact
et instruire l’indigène. Les très nombreux essais
de grammaire, lexiques et dictionnaires publiés
par les Spiritains dès les années 1840 témoignent
du zèle avec lequel ces derniers s’acquittèrent de
cette tâche. Mais la connaissance des populations
locales va encore au-delà et le missionnaire se doit
d’étudier également les structures sociales, les
moeurs, la pensée, etc. Car une bonne appréhension
de ce canevas culturel lui sera utile, d’abord
pour se faire accepter et apprécier des autochtones,
mais encore pour servir de base à une instruction
religieuse chrétienne solide.
Naissance d’une ethnologie religieuse catholique
C’est sans doute ici, dans ce patient travail d’approche
des populations et de collecte de l’infor-
FIG. 8 (CI-DESSUS) : Tête
byeri gardienne de reliquaire.
Fang, Gabon. XVIIIe siècle.
Bois et verre. H. : 48 cm.
Achat au père Trilles en 1902.
Neuchâtel, musée d’Ethnographie,
III.C.7400.
© Musée d’Ethnographie de
Neuchâtel.
FIG. 9 (À GAUCHE) :
Mgr Alexandre Le Roy, 1854-
1938.
© CSSp.