DOSSIER
FIG. 14 (PAGE DE DROITE,
AU MILIEU) : Le père Ange
Dréan (1882-1933), adressant
un sermon sur la mort
au cours d’une cérémonie
oecuménique accompagnant
l’enterrement traditionnel
d’un chef téké.
Brazzaville. 1918.
© CSSp.
FIG. 11 (À DROITE) :
« Tatouages (fl eur de lys) au
Muni ».
Crayon sur papier.
Extrait de Alexandre Le Roy, En passant,
croquis de route (Gabon), 1895.
© CSSp.
FIG. 12 (CI-DESSOUS) :
« Fétiche des Mpongwés ».
Crayon sur papier.
Extrait de Alexandre Le Roy, En passant,
croquis de route (Gabon), 1895.
© CSSp.
FIG. 13 (PAGE DE DROITE,
EN HAUT) : Le père
Camille Laagel (1880-1956)
prêchant, un crâne humain
posé sur les genoux.
Angola. 1932.
© CSSp.
FIG. 10 (À GAUCHE) :
« Chez les Massongo,
dessins sur les portes (l’art
primitif ?) ».
Crayon sur papier.
Extrait de Alexandre Le Roy, En passant,
croquis de route (Gabon), 1895.
© CSSp.
mation, que les missionnaires qui s’en donnent
la peine contribuent le mieux à l’émergence de la
science naissante qu’est l’ethnologie. Ces derniers
disposent d’un temps d’observation très long qui
fait souvent défaut aux chercheurs de passage et
peuvent réunir des renseignements de première
main qui servent de source à bien des anthropologues.
Mais les missionnaires ne se contentent pas
simplement de collecter l’information. Ils tentent
aussi de l’analyser et d’en faire naître un savoir,
souvent équivoque. C’est sur ce terrain – celui
d’une production savante à la fois ethnologique et
religieuse, prenant forme à travers revues, essais et
colloques – que le travail des missionnaires et celui
des ethnologues professionnels entrent plus nettement
en confl it.
La naissance d’une telle « science religieuse »
– sorte d’anthropologie apologétique – doit être
replacée dans le contexte intellectuel de l’époque.
À la fi n du XIXe siècle et au début du XXe siècle, un
certain nombre de disciplines (sociologie, psychologie,
psychanalyse, philosophie, etc.) se saisissent
de la question religieuse et tentent de l’expliquer
dans une perspective critique et rationaliste. Cette
incursion dans leur espace réservé est vécue par les
hommes d’église comme une dangereuse entreprise
d’« irréligion6 » et dénoncée comme une « attitude
réductrice … qui vise à dissoudre le religieux
dans la religion de l’humanité7 ». L’anthropologie,
en particulier, avec des auteurs comme Edward
B. Tylor, n’hésite pas à poser la question de l’origine
de Dieu et, à travers l’étude de la vie sociale
archaïque, à développer une théorie de l’évolution
des mythes et des croyances. Face à cette concurrence,
les instituts religieux font le choix « de s’approprier
ces savoirs et de les produire eux-mêmes
soit pour accommoder la transmission du message
évangélique soit pour s’engager dans une véritable
contre-science8 ».
La revue Anthropos, fondée en 1906 par le père
allemand Wilhelm Schmidt, est un des principaux
canaux d’expression de cette ethnologie religieuse
catholique, qui se positionne contre la science universitaire
de Marcel Mauss. Alexandre Le Roy,
alors connu pour ses travaux ethnographiques,
signe l’article liminaire du premier numéro de la
revue. Dans ce plaidoyer resté célèbre, le Spiritain
explique et défend le rôle scientifi que que les missionnaires
se doivent selon lui d’assumer, en tant
qu’hommes de terrain, au plus près des réalités du