DOSSIER
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FIG. 8 (CI-DESSUS) :
Henri Kerels, Belge
(1896-1956), Une femme
congolaise, 1930.
Huile sur toile. 60 x 50 cm.
Collection privée.
© Christie’s.
d’origine Luba, comme Olbrechts semble l’avoir
admis en intégrant la sculpture dans son exposition.
Koloss a visiblement lui aussi opté pour une
attribution aux Luba lorsqu’il a acheté le masque
pour le musée de Berlin. Les masques de cette forme
présentant des stries ou des rainures ainsi que des
motifs géométriques sur le visage s’inscrivent dans
une tradition interrégionale baptisée Bwadi bwa
Kifwebe et commune aux peuples luba et songye.
Ce nom désigne à la fois les masques et la société
initiatique masculine qui les possède et les utilise afi n
de lutter contre le crime et d’autres menaces. Chez
les Luba, les masques incarnent habituellement
la bienveillance. Associée à la lune en tant que
symbole de renaissance, de rajeunissement et
d’éveil spirituel, la couleur blanche qui domine
ces masques possède une dimension extrêmement
positive qui renvoie aux esprits bienfaisants et à la
guérison. L’étymologie du mot kifwebe en langue
luba est d’ailleurs explicite : « éloigner, ou mettre
en fuite, la mort ». Autrefois, les masques étaient
le plus souvent portés dans le cadre de danses
marquant l’investiture ou le décès et les funérailles
d’un chef ou d’un autre personnage important,
mais également à l’occasion de la nouvelle lune.
En 2014, alors que je visitais The Nelson A.
Rockefeller Vision, une exposition du Metropolitan
Museum of Art retraçant la genèse de la collection
Museum de Berlin avant de prendre sa retraite
(Koloss 1999 : 171, pl. 163). J’ai reconnu cet objet
d’après les croquis réalisés par Olbrechts lorsque le
masque se trouvait en possession de Gaston-Denys
Périer, l’auteur de Curiosités congolaises, paru en
1922. Le musée a acquis le masque en 1997 auprès
du marchand bruxellois Charles Jacques Massar,
mais sa documentation ne contenait apparemment
aucune référence à sa provenance préalable. Avant
que je n’écrive au conservateur actuel du musée
pour l’Afrique de l’Ouest, Jonathan Fine, en 2015,
personne au musée n’était au courant de cet aspect
important de l’histoire de l’objet. S’il n’est pas
sûr que ce masque porte encore une quelconque
inscription d’Olbrechts, le croquis réalisé par ce
dernier ainsi que les dimensions de l’objet ne laissent
aucun doute quant à sa présence dans Kongo-kunst.
Même s’il s’avère souvent impossible de faire la
différence entre les masques blancs kifwebe des
Songye et ceux de leurs voisins Luba, nous avons
des raisons de penser que l’exemplaire de Berlin est