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ils font tous de l’art. La notion de spécialisation leur
est étrangère. Les hommes font ce que les hommes
font et les femmes font ce que les femmes font. Bien
entendu, certains sont plus habiles que d’autres et
la qualité des oeuvres est évaluée selon le concept de
makire : chaque objet doit correspondre exactement à
ce qu’il a toujours été, et son aspect doit correspondre
à ce à quoi il devrait ressembler, c’est-à-dire au sujet
qu’il représente. Par exemple, l’oiseau doit ressembler
à un oiseau classique. Si l’objet ressemble à un oiseau
classique, alors il est makire (il existe également le
concept de mateu : un objet considéré comme makire
car il est très bien réalisé sera mateu s’il est utilisé dans
le mauvais contexte. Par exemple, si vous possédez un
bel oiseau, mais que vous l’accrochez dans une cabane
dans un champ, il ne sera pas mateu, car il n’est pas à
sa place). Un objet doit être à la fois makire et mateu :
techniquement très bien réalisé et utilisé à bon escient.
MUSÉE À LA UNE
FIG. 14 (CI-DESSUS) :
Utet mateiketsat provenant
d’une maison familiale à
Taileleu, Siberut Selatan,
1967.
Rotin, fi bres et crânes de trois espèces
de singes (simakobu, Simias concolor ;
joja, Presbytis potenziani ; bokkoi,
Macaca nemestrina pagensis) enfi lés
à la suite et tenus ensemble avec un
tressage en rotin décoratif.
Il comprend notamment une analyse ethnographique
des Mentawai et met en lumière leur identité et,
bien sûr, leur art. Brad Flowers (photographe pour
le Dallas Art Museum et auteur des images du livre
Art of the Ancestors) vint chez nous à la demande
de Steven Alpert pour réaliser les belles prises de vue
de la collection. Un jour, l’un de mes amis Mentawai
m’a dit : « Pourquoi n’écris-tu pas un livre sur nous ?
Tu pourrais ensuite l’emmener
avec toi et d’autres
personnes le liraient ». Ce à
quoi j’ai répondu : « C’est
exactement pour cela que
je suis venu ici. Je vous l’ai
dit dès mon arrivée. J’ai
été envoyé pour parler de
vous. Donc, ce livre, je vais
l’écrire… »
Pour en revenir à votre question, comme j’avais été
formé à Bâle et que je m’inscrivais dans une longue
tradition artistique, je voulais également posséder
des oeuvres plus anciennes. Si les cadeaux que j’ai
reçus des Mentawai constituent le coeur de la collection,
j’ai néanmoins pu acquérir quelques superbes
objets anciens auprès d’autres tribus, qui les avaient
conservés.
T. A. M. : Aujourd’hui, après cinquante ans
d’activité, votre collection trouve son apogée dans
une exposition d’exception et un livre...
R. S. : J’ai fait don d’une partie de la collection à
l’université de Leyde l’année dernière. Ils souhaitaient
organiser une exposition et j’ai profi té de l’occasion
pour rédiger un livre relatant mes expériences.
FIG. 13 (À DROITE) :
Couverture de Toys for the
Souls. Life and Art on the
Mentawai Islands, à paraître
en septembre 2017.
par Reimar Schefold.
Primedia Éditions,
ISBN : 978-2-9601375-9-0.
FIG. 15 (À DROITE) : Tablier
de danse de chaman sabo.
Rereiket. Vers 1950.
Coton, fi bres et plumes.
32 x 44 cm.
Collecté en 1969.
Collection privée.
La partie trapézoîdale est faite
dans une pièce de coton bleue
d’importation sur laquelle on été
cousues des bandes blanches et
rouges. L’ensemble est terminé par
une tresse de fi bres aux côtés ornés
de plumes.