HISTOIRE D'OBJET
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de s’occuper d’une poignée de métis catholiques,
ils se mirent rapidement la population locale à
dos en rasant une chênaie sacrée et en construisant
une église sur le plus haut point de l’île, les
« Highbanks » en anglais ou les « Rives hautes »
en français, qui empiéta sur un ancien tumulus et
un cimetière plus récent. Les Anglicans soutinrent
que les jésuites avaient dénoncé l’Église d’Angleterre.
Le conseil anishinaabe quant à lui déclara
qu’ils n’étaient pas les bienvenus et il déclara qu’ils
devaient quitter l’île. Le 23 juillet 1844, Pitwegijig
décida de parler à Jennessaux. Il lui dit de mettre
fi n à la construction, faute de quoi la population
locale pourrait mettre le feu à l’église. Le BAI refusa
de soutenir le retrait des
jésuites et, étant donné que
le conseil de voulut pas discuter
avec du Ranquet, en
pointant du doigt sa jeunesse,
un supérieur jésuite, Pierre
Chazelle, rencontra le conseil
le 31 juillet 1944, une date
qui coïncidait avec la fête de
Saint-Ignace, peut-être pas
par hasard8. Cette rencontre
est maintenant connue sous
le nom du « débat ojibwé-jésuite
» et allait s’avérer être
l’une des déclarations les plus éloquentes de l’histoire
contre le mouvement missionnaire chrétien.
Environ trente aînés locaux furent représentés par
Oshawana9, un chef de guerre de 83 ans qui vivait
dans les environs (fi g. 5). Il avait soutenu Tecumseh
pendant la guerre de 1812 et était responsable de ses
ossements qui avaient fi ni par être enterrés sur l’île.
Pitwegijig parla également au nom de la population
locale et Chazelle, en tant que plus vieux jésuite présent,
parla au nom du catholicisme. Georges-Henri
Mongotas, qui parlait couramment l’anglais et l’ojibwé,
fi t offi ce d’interprète. Oshawana fi xa les règles
de la discussion : un seul homme pouvait parler à la
fois et personne ne pouvait l’interrompre10. Chazelle
consigna les deux heures et demie de ce long débat
dans une lettre qu’il adressa six mois plus tard à un
ami jésuite11.
Oshawana fi t la première déclaration, en jouant
sur le sens de la providence des jésuites.
Tu arrives, mon frère, en croyant que tu vas nous apprendre
la Sagesse. Mais ne va pas croire que les saumoins
au même moment, les autorités britanniques
commencèrent à exercer des pressions sur les Ouataouais
et les Ojibwés de la région de Sainte-Claire
pour qu’ils adoptent la religion chrétienne et qu’ils
deviennent agriculteurs. Un brillant orateur, Bauzhigeezhig
waeshikum, s’y opposa jusqu’à sa mort,
survenue à la fi n de l’année 1841 ou au début de
l’année 1842. Cependant, en 1833, il accepta que les
enfants soient envoyés à l’école afi n qu’ils puissent
« apprendre à lire, à écrire et à compter pour que
les commerçants blancs ne les trompent pas »5. Les
squatters blancs de la région Walpole étaient une
autre source de tensions politiques et culturelles.
Ces personnes furent expulsées du Bureau des
Affaires Indiennes (BAI) au
début des années 1840, mais
le niveau de méfi ance alors atteint
exacerba la résistance locale
à la conversion religieuse
qui était menée par Pitwegijig
après que Bauzhi-geezhigwaeshikum
soit décédé.
1839 fut une année importante
pour les habitants de
l’île Walpole. C’est cette année
là qu’ils furent pour la
première fois en contact avec
les missionnaires jésuites, que
l’on appelait dans le coin « Black Robes » en anglais
ou « Robes Noires » en français (fi g. 4). 1839
fut considérée comme le début de la vraie activité
missionnaire dans la région. Jusque là, les actions
réalisées dans ce cadre s’étaient cantonnées à des
prises de contact ponctuelles avec le missionnaire
méthodiste ojibwé, Peter Jones (Kahkewaquonaby),
qui n’avait pas rencontré un franc succès. En
1841, le missionnaire anglican et révérend James
Coleman débarqua sur l’île Walpole mais échoua
lamentablement. En 1843, il fut remplacé par
le révérend John Carey, qui ne fut pas beaucoup
plus effi cace. Cependant, il fi t construire l’église de
Saint-Georges ainsi qu’une école avec l’approbation
du BAI6. L’ineffi cacité des efforts des missionnaires
anglicans combinée à la construction de l’école que
Bauzhi-geezhig-waeshikum avait acceptée dix ans
plus tôt rendirent la situation supportable.
Le 17 avril 1844, les missionnaires jésuites,
le père Dominique du Ranquet et le frère Joseph
Jennessaux arrivèrent sur l’île et changèrent radicalement
la donne. Envoyés par le BAI afi n soi-disant
FIG. 4 (CI-DESSUS) :
“Les Robes Noires” amènent
l’Évangile dans le Nouveau
Monde.
Gravure sur acier.
Collection privée.