INSCRIPTIONS
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2010, 2013). Dotées de forces magiques, les
ceintures en peau de reptile – serpent ou lézard –
enroulées autour du torse et de la taille de la fi gure
étaient destinées à protéger l’essence du corps interne
et à exprimer le statut et l’autorité de l’oeuvre. Les
vestiges d’un cordon de fi bres entourant la partie
supérieure des bras de cette fi gure permettent de
comprendre comment son gardien la manipulait
autrefois. Ce cordon était probablement utilisé
pour attacher de longs bâtons aux bras de la fi gure,
dont le gardien se servait pour la manipuler. Ce qui
distingue cette fi gure de pouvoir songye de la vaste
majorité des autres exemplaires du genre conservés
dans des collections du monde entier est qu’il s’agit
d’une fi gure féminine. Bien que cela ne puisse être
confi rmé par des informations recueillies sur le
terrain, de telles fi gures féminines appartiendraient
à des femmes, qui les utiliseraient pour des besoins
et des préoccupations qui leur seraient propres.
LA PROVENANCE A SES LIMITES
Le thème central de cet article, l’attention accordée
aux inscriptions et croquis comme moyens
de retracer un historique de collection – en
l’occurrence, celle d’une exposition spécifi que –
témoigne de l’attention croissante que les
collectionneurs, les marchands, les conservateurs et
même les chercheurs de l’art africain accordent à la
provenance. Depuis quelque temps, les documents
de ce genre sont également en train d’acquérir
FIG. 19 (CI-DESSOUS) :
Porteuse de coupe. Songye,
RDC.
Bois et pigments. L. : 44 cm.
Ex-Gaston Heenen, Bruxelles (vers
1937) ; Ralph Luetters, Stuttgart ;
Alfred Weissenegger, Amstetten,
Autriche ; Sotheby’s, Paris (24 juin
2015 ; lot 65).
Collection privée.
© Sotheby’s.
En raison d’un manque de recherches
sur le terrain, nous ignorons tout
de la signifi cation et de la fonction
des fi gures portant une coupe chez
les Songye. Chez leurs voisins, les
Kanyok, la porteuse de coupe fait
simplement offi ce de plat dont la
décoration dénote la classe sociale de
son propriétaire, en particulier lorsqu’il
est utilisé pour nourrir des hôtes que
le propriétaire souhaite impressionner
(Ceyssens 2001 : cat. 82).
une dimension économique, augmentant
considérablement la valeur d’une oeuvre sur le
marché. Pour les musées, la provenance constitue
souvent un critère juridique important ou, dans le
contexte de la convention de l’UNESCO adoptée
par la American Association of Art Museum
Directors, une référence éthique dans la mesure où
elle fournit un terminus ante quem et permet de
situer un objet sur une ligne du temps. Néanmoins,
malgré les mérites de la recherche en matière
de provenance, il convient de souligner qu’un
historique de collection ne représente pas en soi une
confi rmation de la qualité d’une oeuvre, pas plus
qu’il ne garantit son authenticité. Cette remarque
est également valable pour l’exposition Kongokunst
d’Olbrechts, en dépit de son ancienneté.
Même si bon nombre des objets sélectionnés pour
l’exposition peuvent aujourd’hui être qualifi és de
chefs-d’oeuvre, la grande majorité des 1525 objets
réunis par Olbrechts étaient de moindre qualité.
L’exposition a essentiellement rempli une fonction
encyclopédique, dans le sens où elle cherchait à
présenter le plus vaste ensemble possible d’oeuvres
issues principalement de collections privées, dans
le but de démontrer la diversité formelle et
typologique des expressions artistiques
du Congo, ainsi que leurs références
contextuelles riches et variées.
Si je mesure personnellement à quel
point la provenance peut accroître