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Clamra Célestin
Collectionneur dévoué, gardien des ancêtres
Propos recueillis par Joshua Dimondstein
nous soyons amis depuis plus de quinze ans, je le
connais mieux désormais. Je suis impatient de lire
ses mémoires, qui doivent paraître en anglais à la
fi n de l’année aux éditions Ohio University Press. La
version française, Fils du ciel : de Kindiri à Manhattan,
a été publiée par l’Harmattan à Paris en 2011.
Joshua Dimondstein : Parlez-nous de votre
engagement dans l’art tribal africain, et de la
manière dont il est présent dans votre vie ?
Clamra Célestin : J’ai tout d’abord vu dans
l’art africain les fétiches africains. Et par
fétiches, j’entends des sculptures susceptibles de
venir à bout des forces néfastes, tant animées
qu’inanimées. J’ai grandi avec dans un contexte
où l’art avait cette fonction et je sens que cela fait
encore partie de mon ADN.
À l’âge de quatre ans j’ai contracté le paludisme,
comme cela m’est arrivé à de multiples reprises
dans ma jeunesse. Dans mon village se trouvait
un guérisseur appelé Yonda. Il avait de nombreux
fétiches, à la fois des statues et des masques.
Quand une personne était malade elle allait
chez lui et il s’en occupait. Ainsi lorsque j’avais
le paludisme mes parents m’emmenaient chez
Yonda et je restais avec lui environ deux jours. Les
fétiches étaient là et faisaient partie du traitement.
À chaque fois que je me suis rétabli, moi et tout
le monde dans le village pensait que les fétiches
étaient pour une grande part dans la guérison. Les
FIG. 1 (CI-DESSUS) :
Fourneau de pipe. Bamoun,
Grassland, Cameroun.
Terre cuite.
Ex-Werner Muensterberger.
FIG. 2 (CI-DESSOUS) :
Clamra Célestin, New York,
2017.
La grande fi gure songye provient de la
Collection Allan Stone.
Photo : Joshua Dimonstein.
PERSONNALITÉ
Dans l’interview suivante Clamra Célestin
nous parle de son engagement de toute une vie
dans l’art tribal africain, de son enfance au Tchad et
de sa vie actuelle à New York et Paris. Ses premières
expériences avec l’art comme instrument de guérison
dépassent le champ de ce que les collectionneurs
expérimentent généralement. Et ses observations
sur les perspectives du collectionneur africain nous
donnent matière à réfl exion.
La vie de Clamra comme collectionneur est sans
nul doute un cas d’étude. Depuis ses premières années
à acheter de la sculpture africaine contemporaine
afi n de satisfaire un goût pour l’art jusqu’à sa
connaissance pointue de l’art tribal africain, son histoire
contient plus de choses que nous n’en pouvons
raconter ici. Comme pour beaucoup d’entre nous, il
y a eu un moment décisif après lequel il a été à même
de reconnaître l’art traditionnel. Dans son cas, cela
s’est produit durant son apprentissage avec le célèbre
collectionneur Werner Muensterberger. La détermination
de Clamra comme collectionneur et gardien
des ancêtres l’a libéré des confl its souvent rencontrés
sur le chemin de tout collectionneur d’art tribal.
Dévoué, il continue à apprendre, fait confi ance à son
intuition, et se rappelle sa raison d’être.
J’ai rencontré Célestin Clamra dans son appartement
de New York pour cette interview. Bien que