162
FIG. 6 (CI-DESSUS) : Figure
féminine agenouillée.
Lumbu, Gabon.
Bois.
Ex-Leonardo Vigorelli, Milan ; Joel
Greene, San Francisco.
Photo : Marco Leonardo.
FIG. 7 (À GAUCHE) :
Couronnement de canne.
Fang Mabea, Sud Cameroun.
Bois et clous en laiton.
Ex-Pace Primitive, New York.
Photo : Marco Leonardo.
FIG. 5 (CI-DESSUS) :
Masque. Bassa, Liberia ou
Sierra Leone.
Bois, fi bres et métal.
Ex-Leonardo Vigorelli, Milan. Photo :
Marco Leonardo.
morts et à leur présence dans les masques et les
statues. Et puis, parfois, je doute de cette croyance.
J’ai beaucoup parlé de mon vécu et mon
expérience de l’art étant enfant. En ce qui concerne
la place de l’art dans ma vie présente, je vous
répondrai brièvement : regarder l’art tribal dans
mon appartement de New York me donne de
l’énergie lorsque je me sens fatigué. J’ai le sentiment
que je prends soin de lui, alors il prend soin de moi.
Et cela me garde connecté à mes racines.
J. D. : Voilà des décennies, lorsque nous nous
sommes rencontrés pour la première fois, vous
aviez de nombreuses pièces africaines purement
décoratives. Aujourd’hui, je ne vois chez vous que
des oeuvres d’art tribal africain de grande qualité.
Comment avez-vous évolué comme collectionneur ?
C. C. : La connaissance et la passion que j’ai
acquises en vivant avec de bonnes pièces ont guidé
mon évolution. Au Tchad, je n’avais jamais eu la
chance d’étudier les pièces en tant que créations
d’art et de beauté. Au Tchad nous faisons danser
les masques dans le cadre d’un rituel, mais quand
c’est fi ni, les pièces sont éliminées.
La première fois que j’ai vu l’appartement de
Werner Munsterberger, rempli de grand art tribal
africain, ce fut une expérience très puissante. Je
sentis instinctivement que je voulais en apprendre
plus à ce sujet. Mais voir une grande pièce et en
posséder une sont deux choses tout à fait distinctes.
Peu de temps après avoir vu la collection de
Werner, j’étais de retour en Afrique et achetai
quelques pièces au Nigeria et au Cameroun. On
m’avait raconté des histoires incroyables sur
l’importance des pièces qu’on m’avait proposées,
et je les avais rapportées en Amérique. Il s’avéra
qu’elles étaient fausses. Lorsque j’ai commencé
à comprendre la différence entre les pièces d’art
originales et les copies, j’ai vendu les copies au
marché aux puces. Au fi l du temps j’ai bien appris.
J’ai un bon oeil. Mais j’ai également compris qu’il
fallait de l’argent pour rassembler ne serait-ce
qu’une petite collection de qualité. Même si vous
avez un bon oeil, sans argent vous n’aurez pas une
bonne collection. Vous ne pouvez obtenir que ce
que vous pouvez payer.
J. D. : Y a-t-il des pensées ou des sentiments
que vous aimeriez partager au sujet de la
disproportion entre le nombre de collectionneurs
blancs et de collectionneurs noirs ? Avez-vous des
suggestions pour aider à augmenter le nombre de
collectionneurs africains ou afro-américains ?
C. C. : Un jour, si j’en ai les moyens, j’aimerais
envoyer ma collection en Afrique et ouvrir un
musée. Plus de grands musées y sont nécessaires
pour éduquer les gens. Visiter des musées pourrait
être une porte d’accès effi cace vers la pratique de la
collection et la connaissance de l’art tant pour les
Africains que pour les visiteurs étrangers.
Les Africains ont une sensibilité à l’art du fait
d’avoir regardé et participé aux danses dans leurs
villages. Mais l’éducation est indispensable pour
comprendre leurs dimensions esthétiques et faire
naître le désir d’en acheter. Pour de nombreuses
personnes en Amérique, y compris
des Afro-Américains, l’art de
l’Afrique est encore souvent associé
à la sorcellerie et à la magie noire.
Cette vision a stigmatisé l’art, et
de nombreux Afro-Américains se
détournent de leur héritage, au
PERSONNALITÉ