HOMMAGES
« IL CONVIENT DE SOULIGNER », écrit le Dr Rowland
Abiodun, « que les Yoruba désignent toujours les jumeaux défunts
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comme ‘ayant voyagé’ et jamais comme ‘morts’ ».1 La référence
évoque instantanément la manière dont la mort en Afrique
et dans de nombreuses autres régions du monde ouvre la voie
à un mouvement prolongé et à l’interaction, et non à l’immobilisme,
et permet d’expliquer son rôle en tant que vecteur de
création artistique. Dans ce cas particulier, le voyage est directement
lié à la dimension éternelle de l’esprit jumeau yoruba,
qui devient l’orisa, l’esprit divin. Après le décès du Dr J. Richard
Simon au printemps dernier et le don de sa collection d’ere ibeji
au University of Iowa Stanley Museum of Art, je me console en
me disant que Dick (comme il aimait se faire appeler) savait que
sa collection répondait à ce principe, dans le sens où le fait de la
donner (de la faire voyager, en somme) assurait un héritage bien
vivant. Pas simplement son propre héritage en tant que fervent
collectionneur d’art au goût très sûr (ce qui est effectivement le
cas), mais l’héritage d’interactions soutenues avec les objets de
sa collection, à travers des expositions et des programmes mis en
place au Stanley Museum of Art.
Ancien professeur de psychologie et d’ingénierie industrielle
à l’université de l’Iowa, Simon est bien connu dans ces deux
secteurs pour avoir découvert « l’effet Simon », selon lequel la
précision et le temps de réaction dépendent de l’emplacement du
stimulus dans l’environnement. Peu après sa retraite en 1999,
Simon s’est mis à collectionner de l’art africain. Il s’est ensuite
investi dans « Arts of Africa », un cours dispensé par le professeur
Christopher D. Roy, et les deux hommes décidèrent de se
servir de la collection de Simon comme base de recherche pour
un séminaire d’histoire de l’art en 2009. Couchés par écrit, les
résultats de ces travaux ont en partie défi ni le contexte d’une
exposition de la collection au musée à l’automne 2010, marquée
par une conférence sur l’art yoruba lors de laquelle sont intervenus
Marilyn Houlberg (1939-2012), George Chemeche et le
Dr John Pemberton III (1928-2016).
« Je me rappelle très bien à quel point Dick Simon était impatient
de partager sa collection avec mes étudiants », se souvient
le professeur Roy. « Il invitait régulièrement mes élèves chez lui ;
ils s’asseyaient confortablement et étudiaient les objets, en partageant
quelques rafraîchissements. Il se montrait formidablement
accueillant et convivial, et les étudiants étaient extrêmement impressionnés
par l’ampleur et la qualité de la collection. J’ai ensuite
organisé un séminaire sur les fi gures de jumeaux yoruba en parallèle
à l’exposition de la collection de Dick Simon. Les étudiants
ont travaillé d’arrache-pied et rédigé des articles venant étayer
les présentations des intervenants que nous avions invités pour
l’inauguration. J’ai rencontré quelques personnes très généreuses
au fi l du temps et Dick Simon se situe tout en haut de la liste ».
Rassemblant des objets issus de treize régions du sud-ouest du
Nigeria, la collection de fi gures de jumeaux yoruba de J. Richard
Simon comprend plus de trois cents pièces couvrant une période
allant de la fi n du XIXe siècle à la première moitié du XXe siècle.
Près de la moitié des objets proviennent de l’État d’Oyo et beaucoup
d’autres sont originaires de la région d’Igbomina. Cent
exemplaires sont actuellement exposés dans la salle de cours des
arts visuels du Stanley Museum of Art jusqu’à la fi n de l’année,
tandis que l’intégralité de la collection est disponible sur le site
Internet d’Art & Life in Africa.
Cory Gundlach
1. Rowland et Abiodun, Seeking the African in African Art,
New York : Cambridge University Press, 2014, p. 269.
J. Richard Simon 1929–2017
CI-DESSUS : J. Richard Simon lors de l’exposition de sa collection d’ibeji,
1er septembre 2010.
Avec l’aimable autorisation de l’University of Iowa Stanley Museum of Art.
À DROITE : Loed van Bussel, 2016.
© Bart van Bussel.