PLAQUES DE BÉNIN
Roupell, administrateur du district britannique,
interrogea les anciens et les membres restants de la
cour sur l’histoire du royaume. Selon eux, les plaques
avaient été commandées par Oba Esigie (règne : environ
1517-1550) et son fils, Orhogbua (règne : 1547-
1580).13 Lorsque Orhogbua succéda à son père, il fit
tuer un chef voisin, l’ata du royaume d’Idah, en représailles
au meurtre de messagers de Bénin. D’après
les informateurs de Roupell, le nouvel oba passa
une commande spécifique visant à commémorer cet
événement sur du laiton, afin qu’il puisse accrocher
cette oeuvre aux « murs de sa demeure ».14 Si ces
entretiens sont souvent négligés dans la littérature
consacrée à Bénin,15 il s’agit toutefois des premiers
récits consignés émanant de membres de la cour de
Bénin et relatant l’histoire des plaques. Roupell reste
néanmoins un occupant. Son compte-rendu doit dès
lors être considéré avec un certain scepticisme, mais
ne peut certainement pas être ignoré.
Les vêtements du XVIe siècle portés par les personnages
portugais sur les plaques permettent d’établir
une date initiale – admise depuis longtemps – pour
leur commande. Toutefois, la chronologie de la production
détaillée ci-dessus suggère que les oeuvres
ont vraisemblablement été créées dans un laps de
temps plus court. En outre, l’histoire politique du
royaume de Bénin à cette période confirme les témoignages
oraux recueillis par Roupell. Quand Esigie
est devenu oba, ses relations avec les membres de la
cour étaient loin d’être au beau fixe, en raison de la
lutte de succession qui l’avait conduit sur le trône,
du conflit avec le royaume voisin d’Idah (plus tard
Igala), et des guerres expansionnistes menées par son
père, Ozolua (dates de règne : cers 180 à 1516 ou
1517). Si ce dernier a fortement augmenté la taille et,
par conséquent, les richesses du royaume de Bénin,
ses campagnes militaires incessantes ont fini par épuiser
les soldats. Ozolua aurait d’ailleurs été tué par
ses propres guerriers. Esigie a donc hérité d’une cour
divisée, d’une armée composée de milices locales affaiblies,
et d’un certain nombre d’États vassaux fraîchement
conquis, qui s’étaient préalablement révoltés
pour tenter de s’affranchir du joug de Bénin.
Durant son règne, Esigie créa de nouvelles cérémonies
afin d’établir des marques publiques de soutien
au roi. Le corpus des plaques s’inscrit peut-être dans
la volonté d’Esigie de redorer son blason auprès de
la cour. Selon nous, les plaques produites par le premier
Ineh n’Igun Eronmwon pour Esigie mettent en
exergue les succès à la fois d’Esigie et d’Ozolua, tout
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RAISON PRINCIPALE DU MÉCÉNAT
Si l’iconographie des deux moitiés composant le
corpus des plaques témoigne de progrès techniques
et de changements esthétiques, elle met également
en évidence le pouvoir grandissant de l’oba. Les
plaques du Groupe Courbe illustrent des guerriers
et des courtisans dans des poses hiératiques,
symbolisant la force et le faste de la cour. Sur les
plaques du Groupe Double, les guerriers et les
courtisans sont en revanche représentés de façon
active, alors qu’ils sont au service du royaume. Ils
conduisent les processions, accomplissent les sacrifices
et livrent les batailles, tout cela pour assurer
la prospérité du royaume. Le Groupe Courbe présente
des guerriers, tandis que le Groupe Double
illustre les missions les plus importantes de la cour
en l’honneur de l’oba. L’analyse du corpus permet
d’appréhender le contexte politique et diplomatique
de la cour de Bénin au XVIe siècle.
Durant l’occupation britannique en 1897, Ernest