d’art ethnographique et un marché aux puces
autrefois internationalement reconnu. Au début des
années 1980, des gens du monde entier sont arrivés
avec des objets d’art et des artefacts exceptionnels
à vendre. La première pièce en fer africaine sur
laquelle je suis tombé était une monnaie mumuye
appelée tajere, fabriquée à partir de strates de houes
usées pliées. Sa forme est simple mais élégante, et
quand je l’ai achetée en 1982, ni le vendeur ni moimême
n’avions aucune idée de ce que c’était. En
faisant des recherches, j’ai parcouru le livre d’Ekpo
Eyo, Nigeria and Evolution of Money (1979) et j’ai
appris que le tajere était une très importante compensation
matrimoniale. Le fait que l’objet ait été
fabriqué à partir d’un matériau recyclé spécifi que
m’a touché ; en effet, lorsque j’ai commencé à forger
à El Rito, où les ressources qu’on peut trouver
dans les grandes villes faisaient défaut, le fer était
considéré comme particulièrement précieux. Les
clients m’apportaient généralement leur propre
fer – de la ferraille qu’ils avaient judicieusement
conservée – afi n que je le travaille. Cette frugalité
refl était l’attitude profondément ancrée et historiquement
attestée des colons espagnols qui s’étaient
établis là, dans une région où le fer était rare et
cher, au nord des centres de fonte du Mexique central
et méridional de l’ère coloniale. J’ai respecté
l’idée que l’histoire antérieure d’un matériau puisse
être réinvestie dans un nouvel objet ; aujourd’hui
encore, dans de nombreux endroits du monde dont
l’Afrique, on pense que l’importance, le pouvoir et
le prestige du fer sont amplifi és par un usage délibéré
et répété au fi l du temps.
Ce besoin de comprendre en profondeur les objets
que j’ai rencontrés a alimenté mon intérêt pour l’art
de l’Afrique pendant trente-six ans. Cette même
leçon de réutilisation a joué un rôle précis dans mon
propre travail tout au long de ma carrière.
K. C. : Je remarque que votre collection se compose
d’exemples multiples pour des types d’objets particuliers.
En quoi ces multiples vous attirent-ils ?
T. J. : J’aime observer les différences subtiles au sein
d’une famille d’objets similaires. En plus d’apprécier
les variantes dans la conception et l’innovation,
on peut décrypter le travail manuel d’un forgeron
en regardant attentivement le résultat fi nal. Par
exemple, on peut déterminer si le forgeron avait
une main sûre, s’il était un fabricant d’outils accompli,
s’il était doué pour résoudre des problèmes ou
même s’il s’avérait être un « perfectionniste ». Un
créateur peut produire de nombreuses variations
de forme tout en respectant les canons conceptuels
d’un groupe culturel spécifi que ou d’un certain type
d’objet. Ces qualités d’expression artistique sont
aussi distinctes et souvent aussi belles que celles
plus communément reconnues et recherchées dans
les caractères individuels des masques en bois sculpté
ou de la sculpture fi gurative en général.
K. C. : Votre vision du travail du métal en Afrique
semble tout englober. Votre collection comprendelle
également des oeuvres en cuivre et alliages de
cuivre ? Y a-t-il d’autres domaines spécifi ques qui
vous intéressent ?
T. J. : Mon intérêt est en premier lieu dirigé vers
les objets en fer forgé, mais comme les activités
des forgerons s’appliquaient souvent au travail du
cuivre, au moulage des alliages non ferreux et même
à la sculpture sur bois, j’en ai aussi collectionné des
exemples représentatifs afi n d’illustrer leur virtuosité.
K. C. : Quelles oeuvres africaines en
métal vous parlent le plus et quels
sont les objets le plus fortement
représentés dans votre collection ?
T. J. : Les objets qui me parlent le
plus sont généralement réalisés à
partir de matériaux ayant une histoire
antérieure et dont la forme
renvoie symboliquement à un autre
PERSONNALITÉ