TILMAN HEBEISEN
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et dont la surface semblait patinée par le temps.
L’ivoire utilisé est nettement craquelé (une caractéristique
qui apparaît typiquement avec le temps),
et ne présente aucun signe révélateur d’une craquelure
réalisée artifi ciellement, comme la décoloration.
Étant donné que Hebeisen était en possession
des manches en ivoire avant de forger les lames, il
a pu façonner le fer afi n de le faire ressortir par le
bas des manches (fi g. 7). Ce détail subtil est présent
sur de nombreux couteaux africains authentiques,
ce qui donne du crédit aux créations de Hebeisen.
Même si Hebeisen était un excellent forgeron, ses
techniques n’étaient pas africaines, comme l’a révélé
l’analyse de l’exemplaire de Rider. Afi n qu’aucun
doute ne subsiste quant à la supercherie, Hebeisen
a dévoilé plusieurs photos importantes lors de ses
entretiens avec Miersch. Sur l’une d’elles fi gure
le couteau de Rider (fi g. 10), tandis que d’autres
illustrent les deux couteaux yakoma que Hebeisen
allait découvrir plus tard sur le marché, l’amenant
à constater avec désarroi qu’il ne créait pas des reproductions
artistiques, mais plutôt des contrefaçons
(fi g. 11 et 12). D’autres photos montrent des
lames en cours de fabrication aux côtés d’un croquis
et d’une photocopie en taille réelle du couteau
yakoma original (fi g. 13 et 14). Toutes ces photos
ont été prises par Hebeisen lui-même, à son domicile
en Autriche.
En plaçant le spectaculaire et authentique couteau
yakoma sur la couverture de son ouvrage de
1978 Afrikanische Waffen, Zirngibl lui a conféré
un statut d’objet rare et a considérablement amplifi
é sa valeur. Puisqu’il n’existait qu’un seul original,
ce couteau devenait pour Zirngibl l’objet à copier
par excellence, l’objet lui assurant un rôle de spécialiste
du genre et dont il serait l’unique marchand
à posséder plusieurs exemplaires.
PREUVES SUPPLÉMENTAIRES ET
CONFIRMATION
Les commandes passées à Hebeisen ne se limitaient
pas aux couteaux yakoma. En 1983, Zirngibl publie
Seltene Afrikanische Kurzwaffen, qui présente
un autre chef-d’oeuvre totalement inédit : un très
grand couteau musele kota en cuivre massif (fi g.
FIG. 13 et 14 (CIDESSOUS)
: Couteaux
« yakoma » Hebeisen
en cours de construction
photographiés chez Tilman
Hebeisen.
Photos : Tilman Hebeisen.
15). À l’instar du couteau yakoma, ces couteaux
kota rares et obscurs ont rapidement intégré le
cercle des couteaux africains les plus prisés sur le
marché. Aujourd’hui encore, ils se vendent bien
plus cher.
À la fi n des années 1970, Zirngibl fait livrer huit
tôles de cuivre de 360 x 160 x 10 mm à Hebeisen et
lui demande d’inventer un nouveau couteau inspiré
du musele kota à oeil double en fer (fi g. 16).
Pour son plus grand bonheur, Hebeisen bénéfi cie
d’une totale liberté artistique, même s’il est tenu