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RELIGIONS DE L'EXTASE
son fils en sacrifice. Cet acte de sacrifice est non
seulement le point commun des religions abrahamiques,
mais il rappelle que le sacrifice dans les
religions africaines répond au même geste. Il y a là
une leçon importante à retenir…
Le parcours aborde ensuite les cultes de possession.
Un focus particulier est proposé sur le vaudou
béninois, évoqué notamment par une sélection de
figures bochio (fig. 9), une belle série de petites
figurines modelées dans les années 1920 par Yesufu
Asogba (mort vers 1930) qui s’offre au visiteur
comme un portrait vivant de la société, tout comme
par un ensemble de récades soulignant le lien entre
pouvoir et religion, puisque le vaudou était l’outil
de la sacralisation du pouvoir à Abomey.
Un temps d’arrêt sur le vaudou haïtien vient en
regard. À côté de photos de Jean-Pierre Grandjean de
pèlerinages de la Toussaint, très fortes visuellement,
nous avons disposé un ensemble de papier mâché
qui représente la cérémonie du Bois-Caïman, en août
1791, au cours de laquelle des esclaves marrons se
rassemblent, sacrifient un cochon et boivent son sang
afin de devenir invulnérables, se préparant ainsi pour
le soulèvement contre la domination des Blancs.
La dernière section porte sur la magie et la
sorcellerie, qui s’inscrivent bien en Afrique dans
la pratique religieuse. Cette section démarre – et
cela pourra surprendre plus d’un connaisseur
d’art africain – par un ensemble de masques.
L’institution des masques est davantage associée,
traditionnellement, à une fonction de régulation
sociale, mais si on s’y attarde un peu, on peut voir
que les masques sont à bien des égards comme des
sacrements pour les initiés. Dans le christianisme il
fallait être baptisé, faire la communion, se marier,
recevoir l’extrême onction, etc. En Afrique, pour
devenir un ancêtre, il convient d’être initié, circoncis,
d’appartenir à certaines sociétés. Les masques
lipiko (Makondé, Mozambique), tout comme
le grand masque du komo (Bambara, Mali) et
le masque chikunza (Chokwe, Angola), que le
visiteur découvre dans cette fin de parcours (fig.
4), organisent le développement de la vie et permettent
aux individus de devenir des ancêtres.
À côté de cela, l’exposition inclut aussi des
masques antisorciers (notamment des masques
dan, comme celui en figure 7) car, en Afrique, la
sorcellerie est bien du ressort de la religion. Les
forces négatives qu’il convient de contrecarrer sont
également évoquées par un manteau mandingue,
ainsi que des amulettes coraniques, qui protègent