GERMAINE VAN PARYS
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Van Parys structure l’apparent désordre intérieur par
ses cadrages. Les vues dénotent d’un goût décoratif
sincère pour la panoplie d’objets que la photographe
partage avec la collectionneuse.4 À cet égard, ce reportage
évoque visuellement ceux effectués dès cette
période pour les grands magasins L’Innovation pour
lesquels Van Parys photographie les étalages et surtout
les compositions des vitrines.
Une seconde série d’images prises chez Walschot
s’ancre véritablement dans cette perspective commerciale
et correspond sans doute à plusieurs commandes.
Les nombreux clichés qui s’y rapportent se
focalisent sur des groupes d’objets pour lesquels un
artifi ce de mise en scène est systématiquement utilisé.
Il s’agit d’une étagère vitrée au fond couvert de papier
blanc dans laquelle sont rassemblées des pièces
de même typologie (et forcément d’assez petite taille :
peignes, siffl ets, coiffes, etc.). Derrière chaque prise
de vue on devine le va-et-vient des objets agencés
devant l’objectif par la collectionneuse. Ces images,
recadrées pour le tirage sur papier, constituent certes
des séries classifi catoires documentant la collection
mais, une fois annotées d’un prix au verso et parfois
découpées, elles semblent avant tout avoir servi de
support à la collectionneuse pour proposer ses nombreux
objets à la vente (fi g. 3).
Par contraste, les prises de vues réalisées par Van
Parys dans les expositions témoignent du talent de la
photographe pour les compositions plus vastes. C’est
particulièrement le cas des photographies prises à
l’occasion de l’exposition Art Nègre. Arts anciens de
l’Afrique noire, organisée au Palais des Beaux-Arts de
Bruxelles du 15 novembre à la fi n décembre 1930 (fi g.
6 à 12). Une petite vingtaine de clichés représente les
seules images connues de cet événement d’envergure
qui prend place au sein de l’intense programmation
occidentale des manifestations autours des arts africains
entre 1930 et 1931. Van Parys y immortalise
les oeuvres vraisemblablement avant l’ouverture, alors
que les salles sont vides de public et que les objets ne
semblent pas tous avoir leur place défi nitive. Parmi
les oeuvres prêtées pour cette gigantesque exposition
(623 numéros au catalogue sans compter les artefacts
et la documentation concernant l’art rupestre
d’Afrique australe réunie par Léo Frobenius ainsi que
plusieurs dizaines de pièces non référencées des collections
Walschot), près d’un tiers proviennent du Musée
royal de l’Afrique centrale (Tervuren), les autres de
collectionneurs privés, belges bien sûr mais aussi français
parmi les plus fameux du moment : Félix Fénéon,
Paul Guillaume, André Lhote, Charles Ratton, etc.
Au regard de cette ampleur la durée de l’événement
semble particulièrement courte. Des retards
sont liés à sa complexe organisation pourtant initiée
dès le début de 1929. L’exposition qui a lieu à
la galerie du Théâtre Pigalle à Paris du 28 février au
1er avril 1930 joue un rôle d’accélérateur dans le processus,
de même que le succès populaire remporté
par l’Exposition internationale maritime coloniale
et d’Art fl amand à Anvers ouverte le 26 avril 1930,
mais une grande part des collections (dont celles du
musée de Tervuren et de Walschot) y sont dès lors
« bloquées » jusque début novembre 1930. Les
Galeries d’Art Kodak à Bruxelles en profi tent ainsi
pour réaliser du 31 mai au 26 juillet de cette même
année le Premier Salon National d’Art Nègre exposant
des oeuvres congolaises issues exclusivement de
collections privées belges. Si l’exposition Art Nègre
du Palais des Beaux-Arts n’est donc pas la première
en Belgique à présenter les oeuvres africaines sous un
angle artistique, elle est la première à dépasser véritablement
le contexte colonial belgo-congolais dans
son approche de l’Art de tout le continent.
Une exposition plus courte encore fait l’objet du
dernier reportage de la photographe sur des objets
africains. Il concerne l’exposition 1000 objets nègres
de la collection de Mlle Walschot vous transporteront
dans le monde merveilleux des Noirs, du 23 décembre
1933 au 7 janvier 1934, au Cercle Artistique
et Littéraire dans le Théâtre royal du Parc à Bruxelles
(fi g. 13 à 16). Composé d’une dizaine d’images, Van
Parys le réalise peu avant ou au moment du démontage,
immortalisant ce qui fut et reste, en dépit du
transfert après sa mort de cette importante collection
au Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren,
l’unique exposition exclusivement consacrée à la collection
Walschot.
La redécouverte de cette documentation, aux séries
sans doute encore non exhaustives et sa mise à disposition
par le fond GermaineImage offrent un support
novateur pour étayer les multiples rapprochements
entre Art africain et photographie. Ces images
éclairent en outre l’histoire du collectionnisme des
arts de l’Afrique et de ses manifestations en Belgique
dans la première moitié du XXe siècle.
1. Par exemple le photographe de nationalité belge Raoul
Ubac qui effectua la majeure partie de sa carrière à Paris.
2. Son second voyage n’aura lieu qu’en 1948, à l’occasion
du 50e anniversaire du Chemin de fer du Bas-Congo.
3. Cette maison était située au 71 rue de la Madeleine,
une portion de rue détruite en 1937 pour les travaux de la
jonction ferroviaire Nord-Midi.
4. Elle possédait plusieurs objets africains organisés chez
elle en panoplie murale.