DOSSIER
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marchand d’art lui en commande un, bien longtemps
après la fi n de ses relations avec Zirngibl, en
1992. Ce couteau, son septième, fi nira par fi gurer
dans la première édition du catalogue de l’exposition
très complète Fatal Beauty: Traditional Weapons
from Central Africa, organisée à Taïwan en
2009.9 Hebeisen a fourni une photo prise en 2003
sur laquelle apparaît ce même couteau, posé contre
une pierre dans son jardin (fi g. 17).10
Fidèle à son habitude, Zirngibl invente l’historique
de ses couteaux. Il fournit par exemple deux
éléments de preuve à un collectionneur privé qui a
acheté l’un des cinq célèbres couteaux en cuivre.
La première preuve est une photo de deux pages
prétendument issues du livre de L. A. Smith retraçant
l’histoire de Fullham et des cinq couteaux de
cuivre. Dans son article paru en 2017, Barlovic
démontre que ces deux pages sont en réalité un
mélange d’informations fantaisistes et de bribes
d’un livre obscur de 1913 relatant un voyage en
Ouganda.11 Barlovic a inclus une photo de cette
double-page dans son article Kunst & Kontext.12
La deuxième preuve apportée par Zirngibl est
une photo pour le moins mystérieuse. Le propriétaire
de cette photo – plus exactement, un polaroïd
Tout comme le couteau yakoma cinq
ans auparavant, ce couteau kota en cuivre
massif est publié pour la première fois, mais
cette fois, Zirngibl livre un historique détaillé :
C’est vers la fi n des années 1960 que l’auteur a
entendu parler pour la première fois de couteaux à
lame de cuivre et tête d’oiseau. Ces couteaux, utilisés
par les Kota et leurs voisins du Nord-Ouest, les
Fang, possèdent habituellement des lames en acier.
Un extrait d’un récit de voyage rédigé par un certain
L. A. (?) Smith indique que Sir George Fullham s’est
vu remettre cinq de ces couteaux en cuivre par un
chef de clan « Fan » appelé « Njong » pour le remercier
d’avoir soigné avec succès une infection à l’oeil.
Dans l’extrait en question, on peut lire ceci : « En
retour, Njong lui avait remis cinq couteaux en cuivre
dont la forme évoquait un vautour ou un toucan.
Plus tard, il nous a montré ces étranges couteaux,
qui étaient très lourds, certains possédant un, deux
ou trois grands yeux de forme angulaire. Après avoir
« traqué » ces couteaux en cuivre pendant des années,
qui se trouvaient à l’origine en Angleterre puis
aux États-Unis, l’auteur est fi nalement parvenu à se
procurer les cinq exemplaires en question. »8
Grâce à ce récit, ces couteaux deviennent, aux
yeux de la majorité des amateurs d’armes africaines,
« les cinq fameux couteaux en cuivre de Sir
George Fullham ». Grâce à son sens du commerce,
Zirngibl a réussi à placer ces objets dans la catégorie
des couteaux africains les plus mystérieux,
précieux et prisés qui soient. Il vendra l’un d’eux
dès 1981.
FIG. 15 (CI-DESSUS) :
Musele #6 en cuivre « kota »
de Hebeisen.
Cuivre. H. : 43 cm.
Collection Ethan Rider.
Photo : Wolf-Dieter Miersch.
Après la publication de Seltene Afrikanische
Kurzwaffen, Zirngibl rencontre un client qui souhaite
acheter le couteau en cuivre fi gurant dans le
livre (le premier kota de Hebeisen), mais comme
Zirngibl désire le conserver, il demande au forgeron
de confectionner un couteau similaire. Hebeisen
était réticent à l’idée de reproduire ses oeuvres
précédentes, car cela limitait sa créativité et s’avérait
plus compliqué que d’inventer un nouvel objet.
Il s’exécute tout de même et fabrique donc un sixième
exemplaire (fi g. 15), identique au couteau
du livre, à l’exception des proportions, légèrement
différentes.
Hebeisen ne produira plus de
couteaux « kota » avant 2003,
date à laquelle un autre
de respecter le style général des couteaux authentiques
et s’il est limité par la taille de la tôle de
cuivre. Hormis ces contraintes, il est libre de concevoir
le nouveau couteau comme bon lui semble.7
En l’espace de trois ans, Hebeisen façonnera cinq
couteaux musele en cuivre, chacun possédant ses
propres caractéristiques.
L’un de ces cinq exemplaires fi gure dans l’ouvrage
Seltene Afrikanische Kurzwaffen.