DOSSIER
après une conversation téléphonique d’une heure
et demie, il réalise que ce Hebeisen va lui permettre
de percer à jour Zirngibl et de révéler ses nombreux
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secrets. Forgeron de métier, Hebeisen confi e
à Miersch que Zirngibl, qui collectionnait et faisait
le commerce d’armes africaines depuis longtemps
mais qui avait été formé en administration des affaires,
l’a engagé en 1976 afi n qu’il fabrique des copies
de couteaux africains en Autriche, une activité
qu’il mènera pendant plusieurs dizaines d’années.
Désireux de rencontrer Hebeisen, alors âgé de
quatre-vingt-trois ans, Miersch s’est rendu le 18
novembre 2015 dans la petite bourgade de Wernstein
am Inn, du côté autrichien de la frontière
austro-allemande, à seulement huit kilomètres de
Passau, le village natal de Zirngibl. Ce sont les
conversations entre Hebeisen et Miersch qui ont
permis de jeter les bases de cet article. Les entretiens
ont commencé en novembre 2015 et se poursuivent
aujourd’hui. En 2016, Ingo Barlovic, membre de la
rédaction du magazine allemand Kunst & Kontext,
a lui aussi rendu visite à Hebeisen à Wernstein.
Barlovic a publié un article consacré à ses échanges
avec Hebeisen dans le numéro de juillet 2017 de
Kunst & Kontext.5
Hebeisen y raconte qu’il a achevé sa formation
de forgeron à Munich et s’adonnait à la ferronnerie
d’art, façonnant des clôtures, des portails
et des croix de cimetière. Il décrit l’une de ses
activités dans les années 1960, qui consistait à
« vieillir » des objets européens.6 Après s’être
installé à Wernstein en 1976, il est engagé par
Zirngibl, qui va lui confi er de nombreux projets.
Zirngibl lui propose d’abord de réparer
des couteaux africains anciens, puis de confectionner
des armes africaines en leur donnant un
aspect ancien, soi-disant pour des clients qui
n’avaient pas les moyens d’acheter des pièces
authentiques. Hebeisen honore les demandes
de Zirngibl avec plaisir, car elles lui permettent
d’exprimer sa créativité.
Dans la foulée de la publication d’Afrikanische
Waffen en 1978, Zirngibl sollicite
Hebeisen pour qu’il fabrique deux versions
de l’impressionnant couteau à manche en
ivoire représenté sur la couverture du livre. Si le
forgeron s’inspire du couteau original, il confère
délibérément à chaque reproduction ses propres
particularités artistiques. Durant les vingt-cinq
années suivantes, Hebeisen produira une douzaine
d’exemplaires supplémentaires.
Selon Hebeisen, c’est Zirngibl qui lui procurait
les manches en ivoire, qu’il avait soit prélevés sur
de vieux couteaux, soit commandés à un sculpteur
autrichien capable de fournir des pièces fi nement
sculptées, aux courbes équilibrées et gracieuses,
FIG. 10 (EN BAS, À
GAUCHE) : Le couteau
« yakoma » Rider Hebeisen
photographié chez Tilman
Hebeisen.
Photo : Tilman Hebeisen.
FIG. 11 et 12 (CI-DESSUS ET
PAGE DE DROITE) :
Deux couteaux « yakoma »
Hebeisen vendus aux
enchères, photographiés
chez Tilman Hebeisen.
Photo : Tilman Hebeisen.