DOSSIER
DISPOSITION
Il est diffi cile aujourd’hui d’imaginer précisément
la salle d’audience dans laquelle étaient exposés les
bronzes, car les données dont nous disposons ne
sont pas suffi samment étayées. Le récit de Dapper
à propos du palais, cité ci-dessus, établit que les
plaques étaient suspendues aux piliers supportant
le toit de la salle d’audience de l’oba, et que cette
salle avait plus ou moins les mêmes dimensions
que la bourse d’Amsterdam. Bien que la bourse en
question ait été détruite, nous savons qu’elle mesurait
110
approximativement soixante sur trente mètres.
Dans une description de sa visite en 1702, alors
que les plaques n’étaient plus exposées, Jacob von
Nyendael mentionne que la première cour comptait
cinquante-huit piliers d’environ trois mètres et demi
de haut et que chaque cour suivante était à peu près
identique, y compris la salle d’audience de l’oba.
Cette information historique nous permet d’imaginer
à quoi ressemblait la salle d’audience. S’il fallait
grosso modo cinquante-huit piliers pour installer
les plaques, l’on peut en déduire qu’il y avait plus
ou moins un pilier tous les trois mètres, en tenant
compte d’éventuelles ouvertures plus larges aux
entrées situées dans les coins et au centre de chaque
mur, où des marches accueillaient sans doute ceux
qui étaient autorisés à s’asseoir le long des côtés de
la galerie. Nous savons qu’environ huit cent vingt
plaques sont conservées aujourd’hui dans des collections
publiques et privées, et qu’un certain nombre
de plaques ont disparu. Au total, les plaques connues
couvriraient une surface de cent cinq mètres carrés.
En prenant en compte le nombre de plaques ayant
subsisté et le nombre de piliers fourni par von Nyendael,
nous aurions approximativement seize plaques
par pilier, soit quatre par paroi, afi n que chaque
pilier soit totalement entouré par les plaques.
Compte tenu du vaste espace disponible, il n’est
pas surprenant que les mouleurs de laiton aient imaginé
une stratégie visant à organiser et unifi er les
oeuvres. Le moulage par coulée directe empêche les
artistes de réutiliser le moule en argile ayant servi
à façonner chaque plaque. Pourtant, de nombreux
auteurs ont rapporté l’existence de « paires », à
savoir des plaques dont la composition est pratiquement
identique. Jusqu’à présent, ces paires ont
été considérées comme des exceptions intéressants,
alors qu’en réalité elles font partie intégrante du
corpus. Environ trente-six pour cent des plaques
possèdent un sosie. Deux plaques représentant un
Portugais tenant un bâton sur fond de manilles en
relief illustrent parfaitement ce phénomène. Ces
plaques (fi g. 17 et 18), conservées respectivement
à Vienne et à Leipzig, sont presque impossibles à
distinguer au premier regard. Lorsqu’on les examine
de plus près, on constate toutefois que sur la plaque
de Vienne, l’alignement du bâton avec l’ouverture
de la manille dans le coin supérieur droit se révèle
plus harmonieux. Sur la plaque de Leipzig, le chapeau
du personnage est plus détaillé que sur l’exemplaire
de Vienne. Ces légères différences n’occultent
cependant en rien la ressemblance frappante des
deux compositions. Selon nous, les paires servaient
à relier les plaques pour former une unité narrative
(fi g. 19). Dans le Groupe Double, les plaques sont
non seulement jumelées, mais font également partie
d’une série. Les séries permettaient de créer un cadre
visuel plus marqué afi n d’organiser les commandes
de plaques. Ce sujet est abordé en détail dans le chapitre
6 de notre ouvrage (Routledge, 2017).
FIG. 17 (CI-DESSUS) :
Plaque à motif d’angle
fi gurant un Portugais avec
des manilles. Bénin, Nigeria.
XVIe siècle.
Alliage cuivreux. H. : 46 cm.
Weltmuseum Wien, inv. 64.799.
© KHM-Museumsverband,
Weltmuseum Wien.
FIG. 18 (PAGE DE DROITE) :
Plaque à motif d’angle
fi gurant un Portugais avec
des manilles. Bénin, Nigeria.
XVIe siècle.
Alliage cuivreux.
Grassi Museum, Leipzig, inv. 34539.
© Grassi Museum für Völkerkunde zu
Leipzig, Staatliche Kunstsammlungen
Dresden. Photo : Karin Wieckhorst.