PERSONNALITÉ
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ou « primitives » et, selon mon expérience, représentent
des technologies appropriées, parfaitement
ergonomiques pour les tâches à accomplir.
K. C. : Les traditions de la métallurgie sont-elles
encore vivantes dans les communautés africaines ?
T. J. : Oui. L’agriculture reste économiquement
essentielle pour la plupart des pays africains.
On estime que plus de 80% des terres cultivées
concernent de petites exploitations familiales, lesquelles
dépendent dans une large mesure de forgerons
locaux pour obtenir l’équipement et les outils
fabriqués manuellement à des prix inférieurs aux
importations étrangères manufacturées.
K. C. : À côté de la valeur utilitaire des forgerons, les
aspects culturels, sociaux, rituels, magiques et d’initiation
de la forge sont-ils toujours pertinents, ou le
christianisme et l’islam ont-ils détruit ces aspects ?
T. J. : Les généralisations sont toujours problématiques,
mais d’après mes observations au cours
de cinq voyages de recherche depuis 2008, les
communautés de forgerons auxquelles j’ai eu accès
sont encore parfaitement intégrées dans les villes et
des villages où elles participent à la complexité des
multiples activités. La plupart des forgerons que j’ai
interviewés, en particulier dans les zones rurales,
suivent une formation rigoureuse
qui peut inclure une initiation à des
sociétés spécifi ques. Bon nombre des
ateliers que j’ai visités au Bénin, au
Burkina Faso, au Ghana, au Mali et
au Togo sont régulièrement impliqués
dans la fourniture d’objets rituels
même dans les endroits où des religions
et/ou des factions chrétiennes
évangéliques et islamiques ont pris
racine. Comme partout pour les forgerons,
l’adaptabilité et la diversifi cation
du marché améliorent les conditions
de vie.
K. C. : Toutes ces années consacrées à collectionner
et étudier culminent dans une exposition sur l’art
du fer en Afrique au Fowler Museum de l’UCLA
mi-2018. Pourriez-vous nous en parler ?
T. J. : En tant que commissaire principal de l’événement,
j’ai visité cent quarante-sept collections
publiques et privées aux États-Unis et à l’étranger
au cours des sept dernières années et j’ai vu des
FIG. 14 (À DROITE) :
Ensemble de cloches dont la
partie sommitale représente
des outils de forge.
Yoruba, Nigeria.
Fer forgé. Hauteur de la plus
haute : 42 cm.
© Tom Joyce Studio Archive, 2018.
FIG. 15 (EN BAS À DROITE) :
Idiophones à raclement
keneke. Senufo, Côte
d’Ivoire.
Fer forgé. Hauteur de la plus
haute : 58 cm.
© Tom Joyce Studio Archive, 2018.
FIG. 16 (CI-DESSUS) :
Parures de cheville
djokelebale. Kota, Gabon.
Alliage de cuivre forgé. H. du plus
grand : 20 cm.
© Tom Joyce Studio Archive, 2018.