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expéditions du capitaine Cook (Bassani 1982).
La fi lle et le beau-fi ls de Nelson se rendaient fréquemment
dans cette maison, tout comme Banks. Le pilon
semble avoir été transmis au beau-fi ls d’Horatio, dans
la famille Nelson-Ward, et de là aux propriétaires actuels,
après avoir été acquis par Nelson ou Hamilton
auprès de Sir Joseph Banks, ou directement auprès de
ce dernier par le beau-fi ls de Nelson.
Cette histoire semble relativement simple mais, si
elle est correcte, elle situe ce penu au centre de l’un
des épisodes les plus sulfureux de l’époque géorgienne.
Examinons de plus près la vraisemblance
de cette histoire, ses possibles implications et le lien
entre Nelson et Cook.
Avant toute chose, il convient de noter que la seule
référence associant le pilon à Nelson provient de la
maison de vente. L’aide de Christie’s nous a été particulièrement
précieuse lors de l’élaboration de cet
article,1 et son archiviste a pu accéder au dossier de
consignation original qui mentionne la provenance,
mais nous n’avons pas été en mesure d’aller beaucoup
plus loin. Trente et un ans après la vente, entrer
en contact avec le consignataire n’était pas faisable.
Néanmoins, nous pouvons supposer qu’en 1986,
la maison de vente ait trouvé normal de publier
l’affi rmation du consignataire, d’autant plus que la
« provenance Nelson », bien que curieuse, ne modifi
ait en rien le prix de vente de l’objet.2 Le pilon a
été adjugé à son estimation basse, une bonne affaire
pour un objet de ce genre. Le penu appartient en
effet à un genre dont la production a cessé peu après
les contacts avec les Européens, puisque l’apparition
de nouveaux outils a rendu superfl ue la fabrication
d’un tel objet. Le pilon correspond dès lors parfaitement
à l’époque qu’on lui a attribuée.
Pour ceux qui n’ont pas révisé leur cours d’histoire
du XVIIIe siècle, l’amiral Horatio Nelson (1758-
1805) fut l’un des plus importants personnages historiques
de la marine britannique (fi g. 4). Homme
au caractère rebelle et souvent indiscipliné, il était
pourtant un brillant stratège militaire et connut une
carrière fulgurante, couronnée de succès durant les
guerres opposant à cette période la Grande-Bretagne
à la France. Ses fl ottes l’ont emporté par deux fois
face aux navires français, d’abord lors de la bataille
d’Aboukir en 1798, puis lors de la bataille de Trafalgar
en 1805, une victoire décisive pour Nelson,
qui y laissa néanmoins la vie. Son infl uence était
telle qu’elle est réputée avoir étouffé les velléités
expansionnistes de Napoléon Bonaparte concernant
les possessions britanniques d’outre-mer, voire
la Grande-Bretagne elle-même, bien que ce dernier
point soit peut-être exagéré. Afi n de comprendre
comment pareil homme est entré en possession du
penu, il convient d’apporter quelques précisions
quant aux différents intervenants.
On pourrait facilement penser que quelqu’un
comme Nelson aurait pu posséder un artefact polynésien
collecté par James Cook (fi g. 3), autre membre
éminent de la marine britannique. En réalité, rien
n’est plus faux. Cook et Nelson ont pris la mer séparément
pendant l’essentiel de la jeune carrière de
Nelson, qui n’était encore qu’un offi cier subalterne
anonyme lorsque le célèbre navigateur entreprit sa
troisième et ultime expédition le 12 juillet 1776.
Aucun élément n’indique que les deux hommes se
soient un jour rencontrés. En outre, même si Cook
avait d’une façon ou d’une autre remis le penu à
Nelson, celui-ci n’en aurait eu aucune utilité. En
tant qu’offi cier de marine – y compris lorsqu’il devint
offi cier supérieur – il n’avait pas de domicile
fi xe et ses biens matériels se limitaient au contenu de
sa malle personnelle. Il ne se serait certainement pas
encombré d’un gros morceau de pierre du Pacifi que
pesant plus de deux kilos.
PAGE DE GAUCHE
FIG. 3 (AU MILIEU) :
Nathanial Dance-Holland
(1735-1811), Offi cial
Portrait of Captain James
Cook, 1776.
Huile sur toile. 127 x 101,6 cm.
National Maritime Museum,
Greenwich, Londres, Greenwich
Hospital Collection, inv. BHC2628.
FIG. 4 (À DROITE) :
Alexander Hogg
(1778-819), Chart of the
Society Islands Discovered by
Captn. Cook, 1769, gravure
de Thomas Conder, 1784.
Extrait de G. W. Anderson, A New,
Authentic and Complete Collection
of Voyages Around the World,
Undertaken and Performed by Royal
Authority ... , Londres, relié entre les
pages 515 et 516.
Gravure en taille-douce sur papier avec
ajout de couleur. 22 x 34 cm.
Maupiti apparaît dans le coin supérieur
gauche sous le nom de Maurua.
CI-DESSOUS, DE GAUCHE
À DROITE
FIG. 5 : Lemuel Francis
Abbott (1760-1802),
Rear-Admiral Sir Horatio
Nelson,.1799.
Huile sur toile. 63,5 x 76,2 cm.
National Maritime Museum,
Greenwich Hospital Collection,
inv. BHC2889.
FIG. 6 : David Allan
(1744-1796), Sir William
Hamilton. 1775.
Huile sur toile. 226 x 180 cm.
National Portrait Gallery, inv. 589.
FIG. 7 : George Romney
(1734-1802), Emma
Hamilton. Vers 1785.
Huile sur toile. 62,3 x 52,1 cm.
National Portrait Gallery, acquisition
avec l’aide de l’Art Fund, 1965, inv.
4448.