K. C. : Vous avez élevé la forge au rang d’art,
comme en témoignent les récompenses et reconnaissances
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nationales et internationales que vous avez
reçues, mais c’est assez exceptionnel. Comment
décririez-vous ce que vous faites ?
T. J. : Bien que je gagne ma vie exclusivement
comme sculpteur, mes origines en tant que forgeron
sous-tendent les processus et les solutions plastiques
au coeur de ma pratique en tant qu’artiste. En fait,
sans ces compétences, il m’aurait été impossible
d’avoir accès à l’usine de forge industrielle à la fi ne
pointe de la technologie dans l’Illinois, où, depuis
une quinzaine d’années, je crée des oeuvres à grande
échelle, certaines pièces pesant plus de 20 000 kilos.
C’est précisément parce que nous parlons fondamentalement
le même langage dans ce contexte que l’on
me propose un environnement de travail sans faille
permettant une orchestration pratique où je peux
intervenir manuellement comme si je travaillais dans
mon propre atelier, mais avec l’aide de leur équipement
à échelle industrielle.
Par ailleurs, autre avantage d’y produire mon
travail, cela me permet de rester à l’écoute des conditions
politiques et économiques mondiales qui dirigent
cette industrie. S’y trouvent facilitées, presque
à l’insu de tous, les tâches indispensables qui fournissent
une gamme stupéfi ante de biens et de services
dont dépendent les êtres humains. Les forgerons font
cela depuis plus de trois mille ans et continuent à le
faire aujourd’hui, mais sans que cela soit directement
visible, en appliquant des innovations technologiques
étonnantes au sein d’installations industrielles fermées.
En forgeant des sculptures à partir de résidus
massifs, tout juste sortis de presse, et conscient que
chaque morceau «rejeton» est encore métaphoriquement
connecté à son matériau «parent», je me réfère
au fait que nous dépendons d’activités de forge qui
restent de première nécessité. De toutes les manières
imaginables, les composants forgés restent au coeur
de la production d’énergie, de la culture et du traitement
des aliments, de l’extraction des ressources
minières, de la protection des frontières et même de
l’exploration de notre galaxie. Notre dette vis-à-vis
de ces forgerons / techniciens, aptes à résoudre les
problèmes et descendants des premiers fabricants
d’outils, artistes et inventeurs est sans équivalent.
FIG. 6 (CI-DESSUS) :
Objets disposés sur une table
du bureau de Tom Joyce à
son domicile.
Photo © Tom Joyce Studio archive.
FIG. 7 (EN BAS À GAUCHE) :
Initié jouant de l’ekpande lors
du stade initiatique du Waa.
Kuwdé, Togo, 2010.
Photo © Tom Joyce.
FIG. 8 (CI-DESSOUS) :
Les forgerons kabre Kao
Kossi et Ide Essozimna
forgeant un gong d’initiation
appelé ekpande.
Tcharé, Togo, 2010.
Photo © Tom Joyce.
PERSONNALITÉ