TOM JOYCE
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K. C. : Après toutes ces années, vous avez évidemment
croisé d’autres traditions de travail du
métal. D’après ce que je vois dans votre collection,
l’Afrique joue un grand rôle. Pourquoi l’Afrique ?
T. J. : Pratiquement dès que j’ai commencé à travailler
le fer, j’ai été curieux de savoir si et où dans
le monde les forgerons étaient encore considérés
comme indispensables dans les communautés dans
lesquelles ils travaillaient. En Afrique, j’ai appris
qu’ils étaient absolument essentiels à la viabilité de
la société, non seulement en fournissant
les outils et les instruments utilisés quotidiennement,
mais également en créant un
impressionnant ensemble d’instruments
de musique, d’objets rituels, de parures
corporelles et en offrant d’autres services
qu’ils étaient seuls à pouvoir fournir.
Que les forgerons africains soient souvent
tout à la fois vénérés et redoutés
pour leurs talents était également intrigant. Plus je
comprenais, plus je ressentais des affinités avec la
philosophie de travail qui m’était révélée lorsque je
partageais des idées de design ou de méthodes avec
mes pairs africains.
K. C. : Parlez-nous de votre premier voyage en
Afrique.
T. J. : Même si j’avais déjà visité le continent pour
d’autres raisons auparavant, c’est au Ghana et au
Togo que j’effectuai mon premier voyage entièrement
dévolu aux artistes travaillant le métal. Ce
fut le début d’une enquête pour en savoir plus sur
les forgerons de différentes régions. Un ami et collaborateur,
Steve Feld, alors ethnomusicologue à
l’université du Nouveau-Mexique, me rejoignit dans
le sud du Togo pour filmer et enregistrer la création
d’un gangokui, une double cloche sans battant, par
Galva Atakpa et Hodenou Noglo, forgerons ewe de
Yohonou, communauté connue pour la fabrication
d’instruments de musique et d’objets rituels vaudous.
Bien qu’étranger, je fus rassuré, à chaque rencontre,
d’être si bien accueilli dans les ateliers de
forge. Il était évident que nous avions de nombreuses
choses à partager et que nos connaissances
professionnelles communes permettaient l’échange
d’idées autour de notre médium d’élection.
K. C. : Quand avez-vous commencé à collectionner
l’art africain ?
T. J. : Santa Fe compte de nombreux marchands
FIG. 9 (CI-CONTRE) :
Couteau d’apparat oshele.
Ndengese, RDC. XIXe siècle.
Fer forgé. H. : 81 cm.
© Tom Joyce Studio Archive, 2018.
FIG. 10 (CI-DESSOUS) :
Couteaux de jet pour main
gauche et main droite,
moko-ndo ou ngbongba.
Ngbaka/Mabo, République
centrafricaine.
Fer forgé et alliage cuivreux.
H. : 38,5 cm.
© Tom Joyce Studio Archive, 2018.