DÎNER AVEC LES ROIS
Ils sont décrits en utilisant le langage de la forme
humaine, comme ayant des cous, des bouches et des
corps. La formation de ces corps peut être liée, linguistiquement,
au palais, comme dans le centre de
production de céramique de Babessi, la fosse d’argile
est appelée mvoh, une référence au même mot qui est
utilisé pour nommer le coeur sacré du palais où le roi
et ses femmes conçoivent des enfants6. Cela indique
les liens sociaux clairs entre le contenant, la procréation
et le concept de royauté. Dans certains cas, le
lien est encore plus prononcé, comme dans les cas où
les éléments iconographiques sur les pots font directement
référence au pouvoir royal. Les pots d’eau
fabriqués par des céramistes qualifi és de Babessi sont
parfois ornés d’une gamme de motifs, tels que des
serpents et des araignées, qui sont des références
symboliques à l’autorité du palais et des ancêtres. Le
serpent est un exemple du pouvoir qu’a le roi pour
se transformer en animal, et agit comme un rappel
de son autorité royale, tandis que l’araignée est utilisée
dans les pratiques de divination qui permettent la
communication avec les forces spirituelles et ancestrales
(fi g. 10).
DIPLOMATIE ET TABLE ROYALE
Nous avons la chance de pouvoir inclure dans cette
exposition une nappe réalisée sous le règne du Roi
bamoun, Ibrahim Njoya. En 1931, l’écrivaine née à
Chicago Mary Hastings Bradley (fi g. 5) a traversé le
Cameroun et, parmi les endroits où elle s’est arrêtée,
se trouvait Foumban7 où résidait le roi Njoya,
qui avait une longue expérience d’interactions avec
les Européens. Des missionnaires et des membres
de l’armée allemande avaient élu résidence dans le
royaume bamoun au cours de la première décennie
du XXe siècle et avaient apporté avec eux de nouveaux
styles de vêtements et de textiles. Le roi Njoya
a bientôt commencé à porter des vêtements militaires
allemands pour certaines apparitions publiques. Plutôt
que de servir de tissus importés, il créa son propre
atelier textile en 1910. Avec plus de trois cents métiers
à tisser en activité en 1912, la production textile
occupait une large part de la production artistique
du palais8, avec la céramique, le travail du métal et
la sculpture sur bois. Une partie de cette production
était consacrée à la fabrication de cadeaux pour les
nombreux visiteurs étrangers du roi Njoya.
Lorsque Hastings Bradley visita Foumban, le roi
Njoya était sur le trône depuis plus de quarante
ans. Il avait été témoin de la domination coloniale
allemande, du transfert du pouvoir aux Français,
et de l’infl uence croissante du christianisme.
Njoya a conservé son leadership à travers tous ces
événements, en grande partie grâce à sa volonté
FIG. 7 (EN HAUT) :
Missionnaires rendant visite au
chef de Foumban. Photo de
Martin Göhring, 1907-1912.
Archives de la mission de Bâle,
inv. E-30.29.33.
Cette image prouve que la production
de textiles pour le service de table dans
le style européen avait commencé peu
après l’arrivée des missionnaires allemands
dans la région des Grassfi elds. De gauche
à droite : Eugen Schwarz (arrivé en mai
1908) ; Friedrich Lutz (arrivé en mai 1906) ;
roi Ibrahim Njoya ; Fonyonga Göhring ;
sujet non identifi é (probablement Gottlieb
Friedrich Spellenberg ou Friedrich Matthias
Daniel Spellenberg) ; Njoya Göhring.