FIG. 3 (CI-DESSOUS) :
Masque. Massango,
Gabon. Reproduit p. 147.
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FIG. 1 a-b-c (PAGE DE
GAUCHE) : Ensemble de
trois doubles pages de
la publication Afrique,
à l’ombre des dieux.
Collections africaines de la
Congrégation du Saint-
Esprit.
De haut en bas, pp. : 80-
81, 201-203 et 20-21.
FIG. 2 (CI-DESSOUS) :
Portrait du père Henri Trilles
(1866-1949). Reproduit
p. 45.
T. A. M. : Un autre point fort du livre est la richesse de
son iconographie de terrain, avec beaucoup d’images
inédites. Pourriez-vous nous parler des archives de la
C.S.Sp ?
N.R. : La Congrégation conserve dans son fonds
plusieurs milliers de plaques photographiques sur verre
datant des années 1890 à 1940, issues de prises de vues
effectuées sur le terrain par des spiritains. Ces clichés
ont été réalisés par les missionnaires pour documenter
leur vie sur place, mais également celle des populations
locales qu’ils fréquentaient et dont les coutumes
pouvaient, à bien des égards, les interpeller. Ces images
constituent souvent des traces visuelles uniques de rites
ou de pratiques qui ne sont connus par ailleurs que par
des témoignages écrits ou oraux d’ethnologues ou de
voyageurs. Je pense par exemple à cette photographie
saisissante attribuée au père Théodore Leray (1873-
1920) d’un homme sango (Gabon) posant devant des
boîtes reliquaires et leurs effi gies, ou encore à cette série
de photographies anonymes prises à Brazzaville en 1918
lors de l’enterrement d’un chef téké, nous montrant le
ballot funéraire fait d’étoffes enroulées et la procession
avant la mise en terre.
Certaines de ces photographies avaient été tirées dès
le début du XXe siècle sous forme de cartes postales et
diffusées dans le cadre de la propagande missionnaire.
Mais beaucoup d’autres sont totalement inédites et
n’avaient jamais été publiées jusqu’ici. La fragilité des
plaques sur verre n’a pas facilité le travail d’édition. Il
a fallu effectuer des tirages argentiques à partir de ces
plaques, puis scanner ces tirages.
T. A. M. : Du père Trilles à Constant Tastevin, de
nombreux chapitres du livre s’attardent sur ces
fi gures atypiques de missionnaires-ethnologues de la
Congrégation. Qu’est-ce qui vous a le plus interpellé
dans ces histoires personnelles ?
N. R. : Évidemment le parcours d’hommes tels
qu’Alexandre Le Roy, Henri Trilles ou Constant Tastevin
est tout à fait remarquable, notamment par l’intérêt
profond qu’ils portèrent toute leur vie aux cultures
africaines. Mais, plus globalement, j’ai été surtout
frappé par le destin de ces milliers de missionnaires,
dont le nom ne passera jamais à la postérité et qui,
au XIXe siècle, quittant fort jeunes leur Bretagne ou
leur Lozère natale, débarquèrent en Afrique noire au
milieu de populations et de cultures dont ils ne savaient
rien, avec lesquelles pourtant leur devoir était de
communiquer, de lier amitié, pour transmettre la parole
de leur dieu. Et que dire des Africains qui, en face, virent
débarquer dans leurs villages ces hommes blancs aux
longues barbes, bien décidés à apprendre leur langue, à
se mêler à eux, à leur enseigner leurs cantiques et leurs
psaumes ?
Sans porter ici de jugement sur les justifi cations ou
les résultats de l’action missionnaire – et je rappelle que
les recherches que j’ai menées l’ont été dans un cadre
aussi neutre et scientifi que que possible de ce point de
vue – encore aujourd’hui je reste saisi à l’idée de cette
rencontre inouïe. Peut-on imaginer un choc des cultures
plus grand, une expérience humaine plus étonnante ?