FIG. 1 (CI-DESSUS) :
Femmes et enfants avec
des contenants à aliments
devant les dépendances
des reines du palais royal
bamoun. Photo de Bernhard
Ankermann, Foumban, 1908.
Ethnologisches Museum, Staatliche
Museen zu Berlin-Preußischer
Kulturbesitz, inv. VIII A 5405.
FIG. 2 (À DROITE) :
Gourde pour le vin de palme
Bamiléké, Grassfi elds,
Cameroun. Fin XIXe - début
XXe siècle.
Gourde, tissus, fi l et perles de verre.
Fowler Museum at UCLA,
X65.5813a–b.
Photo : Don Cole.
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Dans la région des Grassfi elds camerounais,
les gens peuvent dîner avec leur roi, mais un roi
ne dîne jamais avec son peuple. Centre de la vie économique,
spirituelle et politique du royaume, il est
unique parmi les hommes. Son pouvoir intrinsèque
est tel que les gens ordinaires ne peuvent pas le toucher
- ils évitent même son ombre. Historiquement, la
prédominance du roi a été appuyée par le fait qu’il ne
puisse pas consommer de nourriture en public ; devant
son peuple, il ne consomme que des substances
ancestrales, telles que le vin de palme et les feuilles
de ndor. Aujourd’hui, la liste des aliments acceptables
a été élargie, de nombreux rois préférant boire de la
bière au cours de longs événements cérémoniels.
Même si le roi ne peut pas manger avec les autres,
cuisiner, boire et manger font partie intégrante de la
vie rituelle au palais. Là, la nourriture est chargée
de sens et les objets associés à la consommation exsudent
le pouvoir. L’exposition à l’affi che au Fowler
Museum de l’UCLA jusqu’au 8 avril, Dining with
Kings: Ceremony and Hospitality in the Cameroon
Grassfi elds, explore ce sujet à partir d’objets liés à
la consommation issus des collections du musée.
Réalisés dans différents matériaux, ils comprennent
des articles de prestige tels que des récipients en céramique,
des gourdes perlées, des textiles brodés et des
sculptures sur bois. Le soin et le talent évidents avec
lesquels ils ont été créés témoignent de leur importance
dans la culture du palais. Leur iconographie,
l’utilisation de matériaux de luxe et l’intégration de
styles étrangers démontrent que la nourriture est bien
plus qu’une question de subsistance : il s’agit de diplomatie,
de statut et d’hospitalité.
LE ROI EST UN RÉCIPIENT
Un bon récipient est celui qui retient son contenu
sans fuir. Dans les Grassfi elds camerounais, les rois
et les chefs de lignage sont décrits comme des récipients
de stockage à part entière. Jean-Pierre Warnier1
a assimilé cela au concept de « tirelire vitale »2,
dans la mesure où ils sont littéralement des contenants
de substances physiques - sang, souffl e, salive
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