DOSSIER
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de noms cachés. Trois tabourets se nomment Sukundimi
dans les maisons cérémonielles de Palimbei
(Paembit), à Kanganamun et à Yentchen22.
3. LES DISCOURS
La fonction ordinaire attribuée à ces objets est la
prise de parole publique. Nous devons l’essentiel
de ce que nous savons sur l’art oratoire des Iatmul
à Gregory Bateson23 puis à Milan Stanek24.
En effet, la maison des hommes est utilisée comme
un club. On y entre, lorsqu’on est un homme, sans
prévenir et on y reste autant de temps que l’on souhaite.
D’ordinaire les règles y sont assez lâches, et
s’il est préférable de s’assoir sur les banquettes de
son clan ou de sa moitié, bien souvent, on s’assied
là où se trouvent une ou plusieurs personnes avec
qui on a envie de partager des informations.
Pourtant, lors de certaines occasions, un personnage
important du clan peut prendre l’initiative
d’appeler pour une réunion. Il fait alors frapper un
tambour à fente, en utilisant un rythme spécifi que
pour appeler un ou plusieurs clans. Dans ces circonstances,
les règles sont suivies avec plus d’attention
et chacun s’assied sur la banquette de son clan
en fonction de son rang ou de son âge. Plus on est
âgé et plus on se rapproche du centre de la maison.
Moins on est âgé, plus on s’assied aux extrémités.
Lorsque la réunion est polémique et nécessite des
discussions pour atteindre un consensus, la prise
de parole est ritualisée. Dans ce cadre, seuls les
hommes matures (entre trente-cinq et quarantecinq
ans environ) prennent la parole. Les personnes
les plus âgées s’abstiennent le plus souvent. Cependant,
on dit souvent que leurs cadets parlent sous
leur infl uence, voire parfois sous leur direction.
Aujourd’hui, les sujets débattus dans la maison
cérémonielle traitent en premier lieu de questions
foncières. La possession et l’usage de terres, de voies
d’eau, de chemins sont, sur le Sepik comme dans
tout le pays, des sujets particulièrement préoccupants,
et occasionnent souvent des affrontements
physiques et parfois armés. Des questions liées à un
désordre environnemental (sécheresses, pluies trop
abondantes, ou, comme le note Gewertz, maladies
suspectes25 justifi ent la tenue de débats contradictoires.
Ils peuvent se tenir dans de petites ou de
grandes maisons cérémonielles selon l’importance
du problème et le nombre de personnes concernées.
Parmi les autres sujets de débats publics, on
trouve les élections nationales ou locales. Les can-
FIG. 19 (À GAUCHE) :
Tabouret d’orateur. Moyen
Sepik, PNG.
Bois, cauris et pigments. H. : 121 cm.
Collecté à Kau Iagu.
Ethnologisches Museum, Berlin, VI
42508.
bpk / Ethnologisches Museum, SMB.
FIG. 20 (PAGE DE DROITE) :
Aquarelle de Nicolas Garnier
fi gurant le tabouret inv.
80.0/8131 du American
Museum of Natural History
de New York, collecté par
Margaret Mead en 1931.
Carnet de terrain de l’auteur.
2017.
© Archives de l’auteur.
nombre et à la pertinence des indices donnés lors de
joutes oratoires.
La possession de noms fait l’objet de débats intenses,
comme l’ont signalé Harrison et Wassmann
dans leurs ouvrages de 1990 et 1991 respectivement.
C’est pour Gewertz l’un des motifs principaux de
disputes et de joutes oratoires dans les maisons cérémonielles21.
Les noms des tabourets d’orateur ne
font pas exception, bien au contraire. Et les noms
qui leur sont associés comptent parmi les plus importants.
Christian Coiffi er relève une trentaine de
noms de tabourets d’orateur sur le Sepik. Il déclare
par ailleurs qu’il existe un nom public puis une série