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CONCLUSION
Sans nier le rôle central du roi, il est important de
rappeler le rôle des femmes quand on s’attarde sur
ces objets de prestige. Il est difficile d’aborder les
subtilités de la table dans les palais des Grassfields
sans se concentrer sur la figure du roi, parce qu’il est,
à bien des égards, le centre du royaume. Pourtant,
presque tous les objets peuvent également être considérés
à travers leur relation avec les femmes qui les
ont touchés, que ce soit dans leur fabrication ou dans
leur utilisation. Les potières fabriquent les récipients
en terre cuite et les bols de service. Les artistes féminines
ont probablement orné de perles les gourdes de
vin de palme du roi. Les reines ont rempli les cornes
à boire sculptées du roi et sont les propriétaires des
bols de service élaborés qui sont utilisés pour présenter
la nourriture au palais. Alors que le récit dominant
des insignes du palais tourne toujours autour
du roi, ces oeuvres d’art sont des rappels importants
du rôle essentiel que jouent les femmes dans le système
du palais. Les femmes font beaucoup plus que
préparer à manger, elles créent les oeuvres d’art dont
la présence soutient le roi et augmente sa puissance.
FIG. 12 (PAGE DE GAUCHE) :
Gourde pour vin de palme.
Grassfields, Cameroun.
XIXe siècle.
Gourde, tissu, fil et perles de verre.
Fowler Museum at UCLA, X65.5815a.
Photo : Don Cole.
FIG. 13 (CI-DESSUS) :
Corne à boire. Bamoun,
Grassfields, Cameroun.
XIXe - début XXe siècle.
Corne de buffle nain, cuivre.
Fowler Museum at UCLA, X66.69a.
Photo : Don Cole.
NOTES
1. Les recherches de Warnier portent sur le royaume de Mankon situé dans la
région du Nord-Ouest, juste à l’extérieur de Bamenda. Bien qu’une grande
partie de sa terminologie soit spécifique à Mankon, les mêmes pratiques
peuvent être observées dans toute la région du Nord-Ouest des Grassfields.
2. Warnier, Jean-Pierre, The Pot-King: The Body and Technologies of Power.
Vol. 17. African Social Studies Series. Leyde et Boston: Brill. 2007, p. 33.
3. Ibid. : 116-117.
4. Ibid. : 131, 170.
5. Forni, S. “Containers of Life: Pottery and Social Relations in the Grassfields
(Cameroon).” African Arts 40, no 1, 2007, 42-53. D’autres chercheurs ont
fait la connexion entre les pots et le corps humain (voir Berns, M. “Pots as
People: Yungur Ancestral Portraits.” African Arts 23, no 3. 1990, 50-60).
6. Forni 2007 : 44.
7. M. H. Bradley était à Foumban du 28 février au 6 mars 1931.
8. Geary C. M. Bamum. Visions of Africa. Milan : 5 Continents ed. 2011, 23.
9. Ibid. : 9.
10. Les premières perles ont été importées d’Italie et de Bohème (l’actuelle
République tchèque) et les Allemands ont rapidement compris le potentiel
commercial que leur offrait leur importation.
11. Geary, C. M. “Bamum and Tikar: Inspiration and Innovation.” Dans Cameroon:
Art and Kings. Zurich : Museum Rietberg Zurich. 2008, 139.
12. Animal royal, la corne de buffle était très prisée. Par conséquent, historiquement,
toutes les cornes de buffle étaient la propriété du roi et c’était sa
prérogative de les distribuer comme il le souhaitait. Gebauer 1979 : 215.
13. Gebauer, P. Art of Cameroon. Portland : Portland Art Association. 1979,
98. Notué, J.-P. et Triaca, B. Mankon: Arts, Heritage, and Culture from the
Mankon Kingdom. Milan : 5 Continents ed. 2005 : 234.
14. Gebauer 1979 : 98.
15. Tamara Northern note que les petits bols avec des supports ajourés ont été
fabriqués dans les communautés Bamessi, Babungo et Babanki, dans Royal
Art of Cameroon. Hanover : Dartmouth College, 1973.
16. Gebauer 1979 : 201 ; Northern 1973 : 110.
17. Communication personnelle, 7 juillet 2017, David Zemanek de Zemanek-
Münster Tribal Art Auktion.
gnant le fait que le roi partage ses noix de kola dans
un geste d’hospitalité et de confiance16.
Un petit support de noix de kola présenté dans
l’exposition illustre l’importance de cette tradition
pour les rois du Grassfields (fig. 9). Cette sculpture
représente une femme, assise à califourchon sur un
léopard, portant un bol en équilibre sur sa tête. La
provenance et le style datent ce travail du début du
XXe siècle, et iconographiquement c’est certainement
un objet palatial car la représentation d’une
personne et d’un léopard était réservée à un usage
royal. De plus, ce bol a probablement été sculpté par
un roi lui-même17. Une autre sculpture presque identique
a été attribuée au roi Fonchu Aseh de Babanki
Tungo au cours du premier quart du XXe siècle.
C’était un sculpteur prolifique à part entière, avec un
atelier soutenant sa pratique.
DÎNER AVEC LES ROIS