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FIG. 17 (CI-DESSUS) :
Aquarelle de Nicolas Garnier
présentant la façade de
la maison cérémonielle
de Holimbit, Kirlimbit, lac
Chambri, PNG. Carnet de
terrain de l’auteur. 2013.
© Archives de l’auteur.
FIG. 18 (À DROITE) :
Crochet. Sawos, Moyen
Sepik, PNG.
Bois. H. : 86,4 cm.
Rheinische Missionsgesellschaft,
Barmen, Allemagne ; collection
von der Heydt, 1910.
© Bernard de Grunne, photo : Frédéric
Dehaen - Studio R. Asselberghs.
homme ayant rompu un tabou16. De même que
pour certains autres objets liés à des personnes, ce
qui les caractérise et leur donne un statut de personne
est la présence d’une série de noms.
Pour les Chambri, et pour leurs voisins du Sepik,
chaque personne possède une série de noms (on utilise
le même terme en chambri et en iatmul : si) qui
lui sont attribués au cours de son existence par des
parents du lignage du père et des parents du lignage
de la mère17. Parmi ces noms, certains sont secrets,
et certains sont considérés comme particulièrement
sacrés. Ces derniers sont généralement transmis
par le père, souvent à la veille de sa mort18. Ces
noms forment comme une série cachée constituée
d’enveloppes successives. Chaque nom induit le
suivant par un principe logique partiellement lié
à des exercices de mémorisation. Gregory Bateson
est le premier observateur étranger à mettre en
lumière l’importance politique de la connaissance
des séries de noms. Ils sont à la fois liés à un savoir
ésotérique et garantissent la propriété foncière sur
les terres émergées comme sur les terres immergées,
de nature mythologique. Ils fondent les droits de
pêche et la possibilité de circuler en pirogue et les
droits relatifs à la pratique des rituels et des danses.
La connaissance des séries de noms est au fondement
de l’histoire et justifi e les prérogatives de chacun
dans pratiquement tous les domaines de la vie
sociale19. L’usage des noms et leur appropriation
est souvent au coeur des disputes qui animent les
débats de la maison cérémonielle20.
Pour Bateson, chez les Iatmul il existe plusieurs
types de noms : certains sont transmis par le lignage
du père, d’autres par le lignage de la mère
(par l’intermédiaire de l’oncle maternel, à l’occasion
de l’initiation par exemple), et enfi n il existe
des noms secrets. Ceux-ci fonctionnent tel un chapelet
de paires associant à chaque nom un nom
double sous la forme « frère aîné / frère cadet ».
Ces noms secrets appartiennent à des individus et
le maintien du secret garantit leur santé et leur protection.
On dit d’ailleurs à Chambri, où l’usage et
la signifi cation des noms est proche de celui chez
les Iatmul, que si une personne mal intentionnée
venait à connaître le nom secret d’un tiers, celuici
en deviendrait vulnérable et pourrait mourir
d’une attaque de sorcellerie. Les noms et les mythes
secrets doivent être partiellement dévoilés, à la
manière d’un indice. Chaque partie jaugeant du
bien-fondé des prétentions des uns et des autres au
TABOURETS D’ORATEUR DU MOYEN SEPIK